Les plans sociaux se multiplient à un rythme jamais vu

Publié le par Sarkomance

LE MONDE | 15.12.08

Depuis cet été, l'économie française donne l'impression d'être contaminée par une épidémie de plans sociaux. Mille deux cent quinze postes en moins chez l'équipementier automobile Faurecia, 3 550 pour PSA Peugeot-Citroën, 4 000 chez Renault... Dans les grands groupes, les destructions d'emplois se mesurent désormais avec des nombres à quatre chiffres. Spectaculaires dans l'industrie automobile, l'une des principales victimes de la crise, les réductions d'effectifs sont également devenues monnaie courante dans d'autres secteurs touchés par le ralentissement de l'activité : métallurgie, bâtiment et travaux publics...

D'après un conseiller du secrétaire d'Etat à l'industrie, Luc Châtel, les "plans de sauvegarde de l'emploi" (PSE) notifiés aux directions départementales du travail (DDT) en septembre et en octobre se sont accrus d'environ 30 % par rapport à la même période de l'année dernière. Dans son "bulletin économique automne-hiver 2008", le groupe Euler Hermes indique que les "défaillances d'entreprises" ont progressé à un rythme plus soutenu au cours des dix premiers mois de cette année (+ 12 %, contre + 6 % en 2007). Le plus souvent, ce sont des "petites entités" récemment créées qui boivent la tasse. Mais les sociétés employant au moins 200 personnes sont de plus en plus nombreuses "à déposer le bilan ou à demander à bénéficier de la procédure de sauvegarde", selon l'étude d'Euler Hermes.

"En seize années de métier, je n'ai jamais vu ça", résume Bernard Grouchko, l'un des responsables de Green Recovery, une holding industrielle spécialisée dans la reprise d'entreprises en difficulté.

PRESSIONS SUR LES PRIX

Certains secteurs sont littéralement décimés. Exemple : le transport, touché de plein fouet par la baisse de l'activité fret. Sur les onze premiers mois de 2008, les défaillances d'entreprises ont quasiment doublé par rapport à la même période de 2007, aux dires de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR). Au niveau territorial, les dégâts se révèlent très lourds, notamment dans les départements, comme la Seine-Maritime, où la filière automobile est fortement implantée.

Du coup, le chômage est reparti à la hausse, alors qu'au premier trimestre il avait atteint son taux le plus bas en vingt-cinq ans. De début août à fin octobre, les entrées à l'ANPE se sont accrues de 4 % par rapport aux trois mois précédents. Les inscriptions consécutives à un licenciement économique et à une fin de mission d'intérim ont bondi respectivement de 5,1 % et de 11,5 %.

Mais l'atonie de la croissance n'explique pas tout. Certaines restructurations obéissent à des logiques qui sont à l'oeuvre depuis plusieurs années. Dans l'industrie pharmaceutique, par exemple, dix-sept plans sociaux ont été annoncés en 2008, d'après l'organisation patronale Les Entreprises du médicament (LEEM). L'an passé, il y en avait eu vingt et un. Les laboratoires cherchent à diminuer le nombre de visiteurs médicaux pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la conjoncture actuelle : rationalisation des dépenses de santé, développement des génériques, etc.

Chez le chimiste Arkema, on invoque des "problèmes structurels" pour justifier la "réorganisation" des sites de Jarrie (Isère) et de Château-Arnoux - Saint-Auban (Alpes-de-Haute-Provence) : compétitivité insuffisante dans un cas et contraction des débouchés dans l'autre.

Soumises à de fortes pressions sur les prix, les enseignes de l'agroalimentaire cherchent continuellement à réaliser des économies. Ainsi, l'entreprise Jean Caby, une filiale du groupe Aoste, a décidé de fermer une usine "assez ancienne" qui fabrique un produit (le jambon cuit) exposé à une vive concurrence, selon un porte-parole de la direction.

Mais quelles que soient leurs raisons, les entreprises qui réduisent la voilure sont fréquemment accusées de se servir de la crise pour comprimer leurs dépenses de personnels au-delà du nécessaire. Directeur général de Texas Instruments France, Christian Tordo a récemment décidé que son site de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes) se désengagerait de certaines activités peu compétitives. De 202 à 306 postes pourraient disparaître à la faveur de ce recentrage. Mais l'argument n'a pas convaincu les syndicats. Ni le député (UMP) Lionnel Luca : "Il est à redouter que dans "l'univers impitoyable" de la firme de Dallas, on profite de ce contexte de crise mondiale pour opérer des licenciements massifs afin de conserver les taux de rendement pour les actionnaires", a-t-il déclaré, à la fin octobre.

Les dirigeants du sidérurgiste ArcelorMittal ont essuyé le même reproche lorsqu'ils ont dévoilé un plan de départs volontaires, quelques semaines après l'annonce de profits substantiels.

Bertrand Bissuel

Publié dans Vu sur le Web

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