Le chômage baisse-t-il ?

Publié le par titof

NON.
Enfin peut-être. Mais pas vraiment.

Il convient tout d'abord de faire la différence entre chômage apparent et chômage réel. Et si le chômage apparent baisse, il est certain que l'emploi stagne : l'année dernière, selon les chiffres de l’INSEE, le nombre des chômeurs officiels a baissé de 11% sur un an tandis que l’emploi n'a crû que de 0,9%… contre 4,1% il y a cinq ans. De plus, il convient d'affiner la notion d'emploi, dans le sens où celui qui l'exerce est censé pouvoir en vivre dignement

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Cette synthèse tente d'explorer le phénomène dont se vante le gouvernement Villepin depuis plus d'un an de baisse consécutive : info ou intox ? Que cachent les chiffres ? Comment calcule-t-on le nombre de chômeurs ? Comment l'emploi est-il évalué, et que devient-il ?

Procédons par ordre...

CHÔMAGE
Les demandeurs d'emploi "officiels" (de catégorie 1 alors qu'il y en a 8) représentent moins de la moitié de tous les inscrits à l'ANPE
La vérité sur les chiffres du chômage : enfin ça bouge !

Chômage : le grand camouflage

Les chiffres ignorent plus d'un chômeur sur deux. Ou comment la gestion de la statistique a pris progressivement le dessus en créant des chômeurs «invisibles» : les précaires et les emplois aidés, les chômeurs en formation… tous "non disponibles immédiatement". Par exemple, entre juin 2005 et août 2006, le dispositif CRP (convention de reclassement personnalisée) a recueilli 73.232 adhésions et ses signataires - 25% des salariés licenciés pour motif économique - resteront pendant huit mois en catégorie 4 ; le ministère de l'Emploi relève actuellement plus de 5.000 adhésions par mois à cet ingénieux escamotage.

N'oublions pas les 415.600 "seniors" de + de 55 ans qui sont dispensés de recherche d'emploi (DRE) et n'apparaissent… dans aucune catégorie. Ni les chômeurs des DOM (environ 220.000) qui ne figurent jamais dans les résultats mensuels.
Rajoutons à cela tous ceux qui ne peuvent prétendre à aucune allocation-chômage, et ceux qui ont pu se réfugier dans le RMI.

Plus d'un chômeur sur deux n'est pas indemnisé

Ils n'ont pas cotisé assez pour ouvrir des droits (jeunes, précaires…), ou ils sont en fin de droits et survivent aux minima sociaux (20%) mais si leur conjoint travaillent ils n'ont droit à rien non plus (l'ASS ou le RMI sont attribués par foyer fiscal). Ceux qui ne peuvent prétendre à aucune allocation ne voient pas l'intérêt de s'inscrire et de pointer à l'ANPE (notamment les moins de 25 ans qui n'ont même pas accès au RMI) : ils sont donc occultés des statistiques.

Seuls 47,5% des chômeurs sont indemnisés (contre 41% en 2003)
A noter que 80% de ces "exclus" de l'assurance-chômage ne perçoivent RIEN.
Baisse constante des chômeurs indemnisés

Pour limiter son déficit, l'Unedic a fait en sorte de durcir toujours plus les conditions d'accès à l'assurance-chômage. Et ça marche :
Assedic : 10% d'allocataires en moins sur un an



Les radiations administratives ont triplé depuis 1999

 AC! dénonce l'explosion des radiations

Corroborant l'étude d'Agir ensemble contre le chômage, le mensuel Alternatives Economiques constate que la convocation systématique des chômeurs s’accompagne mécaniquement d’une augmentation des radiations. De 1991 à 2003, les sorties de l’ANPE pour absence au contrôle ou radiation ont augmenté de 24%. Entre 2001 (mise en place du PARE) et 2002, le nombre de radiations a augmenté de 35%, et de 39% depuis 2003. Aujourd'hui, chaque mois, 21.000 chômeurs sortent des listes de l'ANPE pour des raisons plus ou moins claires :
Les radiations et les pressions faites aux chômeurs

Le nombre des RMIstes a explosé : + 20% depuis 2002

Le chômage de longue (+ d'un an) voire de très longue durée (+ de 3 ans) n'a cessé de croître : en 2004, il représentait 30% des inscrits à l'ANPE. A fin 2006, les "fin de droits" de l'Assedic sont 458.800 à percevoir l'ASS (allocation spécifique de solidarité, ancêtre des minima sociaux créé en 1984, + 8,2% de hausse en 2005) mais, sans compter les 47% de non-indemnisés, les chômeurs les plus «invisibles» sont bien les 63% de RMIstes (790.000 sur un total de 1,26 million d'allocataires du Revenu minimum d'insertion, créé en 1988 et versé par la CAF) qui ne pointent pas à l'ANPE et échappent aux chiffres du chômage.

Toujours plus de RMIstes

Particulièrement stigmatisés, ils sont la proie idéale des contrats aidés.

EMPLOI
Emplois, ou sous-emplois ?

Le comptage des emplois ne tient absolument pas compte de leur nature : ainsi, par exemple, sur 100.000 emplois créés, si le tiers est à temps partiel et la moitié à durée déterminée, on ne peut parler d'emplois à proprement dit mais de sous-emplois. Il est donc important d'évaluer les emplois en équivalent temps plein (nombre total d'heures travaillées divisé par la moyenne annuelle des heures travaillées dans des emplois à plein temps sur le territoire économique) :

Chômage officiel et chômage réel en 2005

Ainsi l'INSEE a relevé l'existence de 5.848.000 chômeurs "équivalent temps plein" sur une population active occupée de 24.921.000 personnes, alors que la population active totale (occupée + chômeurs officiels) totalisait environ 27.600.000 individus. Ce qui, pour 2005, donnait un taux de chômage en équivalent temps plein de 20,9%...


Un comptage quantitatif, et non qualitatif

Contrats aidés, emplois de service, missions d'intérim ou CDD sans issue :

encouragés par la politique du gouvernement, 80% des offres d'emplois restent dans le champ de la précarité et du Smic.

Les offres 2006 de l'ANPE

Les "emplois durables" ne représentent que 30% des offres de l'ANPE (si l'on considère que les CNE et les CDD de plus de 6 mois sont "durables")...
Intérim : + 8,6% sur un an

Pour une moyenne de "près de deux semaines", les missions d'intérim explosent. A l'issue de ce travail temporaire subi, peu de chance de décrocher un CDI ou même un CDD. Le ministère du Travail considère que l'évolution de l'intérim est un "indicateur précurseur" de l'évolution de l'emploi salarié qui, pourtant, n'a progressé que de 0,9% sur un an : cette hausse de l'emploi intérimaire confirmerait la tendance optimiste "à la reprise"... On en doute.
SMIC : vers la suppression de toutes les cotisations sociales des TPE

Au nom de sa «bataille pour l’emploi», le gouvernement "revalorise le travail" en encourageant les bas salaires. En 2005, 17% des salariés sont Smicards (ils étaient 16% en 2004 et 14% en 2002)... et la majorité des offres pour des emplois même très qualifiés proposent désormais le salaire minimum.
Retour à la case départ !

Alain Vidalies, secrétaire national du PS aux entreprises, disait le 27 juillet dernier : "Aujourd'hui, le taux de chômage atteint 9% de la population active, exactement le même chiffre que lorsque le gouvernement de droite est arrivé aux affaires… C'est donc quatre ans de perdus dans la bataille pour l'emploi !"
Nouvelle baisse du chômage en juillet : 8,9%

Voir la courbe => en 2000, le solde des créations nettes d'emplois était de + 566.600, en 2001 de + 248.300. A l'arrivée de la droite en 2002, il a plongé avec + 28.600, et en 2003 - année Raffarin ! - le solde fut historiquement négatif avec 72.900 emplois détruits. Malheur à ceux/celles qui ont été licencié(e)s à cette époque : trop vieux, trop chers, l'inemployabilité leur est impitoyablement tombée dessus ; c'est là qu'on recense les chômeurs de très longue durée qui n'ont pas pu sortir du trou creusé par une politique désastreuse qui a favorisé la discrimination à l'embauche et la réduction drastique des formations qualifiantes.
Si une timide reprise s'est amorcée depuis 2004 (+ 17.200), les soldes créditeurs sont dérisoires : seulement 100.000 emplois ont été créés dans le secteur privé depuis un an alors que le nombre de chômeurs a baissé de 260.000 sur la même période…

Le leurre du "papy-boom"

Le "choc démographique" n'aura pas lieu. Sur les 600.000 départs annuels à la retraite actuels et escomptés pour les années à venir, seul un tiers des postes seraient visiblement maintenus, les autres ayant été supprimés ou délocalisés. De quoi faire déchanter Jean-Louis Borloo qui misait dessus pour faire baisser le chômage !

«Choc démographique» ne veut pas dire «recrutement»

Ou comment le papy-boom est une aubaine pour geler, voire réduire ses effectifs.
Supprimer des emplois sans licencier

Ou comment le papy-boom permet de supprimer des milliers d'emplois avec pour objectif "zéro chômeur", une astuce déculpabilisante qui a aussi pour conséquence de maintenir une seule génération au travail...

Les emplois de demain...

Ce ne sont plus des centaines mais des milliers de suppressions d'emplois qui se profilent à l'horizon : Airbus, PSA Peugeot Citroën, AXA, les câblo-opérateurs et leurs sous-traitants, les équipementiers automobiles, l'industrie du verre... A cette allure combien de temps ces chiffres vont-ils rester "bons" ???

Baisse du chômage : pour combien de temps ?

ILS L'ONT DIT

Jean-Pierre Revoil, le directeur général de l'Unedic, a déclaré en février dernier : Le chômage est à 12%... On est loin du compte, mais c'est un début.

• De Jack Lang en passant par François Bayrou ou Philippe de Villiers, sur le plateau d'Arlette Chabot en avril dernier, nous étions 5 millions de chômeurs en France, tout le monde est d'accord !

Sans oublier, fin 2004, l'introduction du Plan de cohésion sociale de Jean-Louis Borloo qui annonçait 4 millions de chômeurs, ou les récents propos de François Chérèque de la CFDT, qui nous estime "entre 3,5 et 4 millions"...

ILS L'ONT FAIT

Le collectif Les Autres Chiffres Du Chômage, composé du Réseau d’alerte sur les inégalités (RAI-Bip40), Agir ensemble contre le chômage (AC!), le Mouvement National des Chômeurs et Précaires (MNCP), l'Association Pour l'Emploi, l'Information et la Solidarité des chômeurs et des précaires (APEIS), le Réseau Stop Précarité, la CGT-INSEE, le Syndicat National Unifié de l’ANPE (SNU) et SUD-ANPE, ont uni leur expérience et leurs données afin d'analyser en profondeur les chiffres du chômage. Dire la vérité est fondamental car, au-delà des statistiques, à la veille des élections présidentielles, c'est la crédibilité de la République qui est en jeu et ce mensonge d'Etat est résolument indigne d'une démocratie.

 Leur site : http://acdc2007.free.fr

LA SOURCE

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