La polémique sur le fichier EDVIGE prend de l'ampleur

Publié le par titof

PARIS - La polémique sur EDVIGE s'est poursuivie lundi, semant même le trouble au sein du gouvernement après les critiques du ministre de la Défense Hervé Morin, alors que la "patronne des patrons" Laurence Parisot demande elle aussi des "explications" sur cette version remaniée et élargie de l'ancien fichier des "RG".

Le Premier ministre François Fillon a réagi en demandant sèchement au ministre de la Défense de ne pas "créer des suspicions là où elles n'existent pas", expliquant qu'il ne fallait "pas se laisser aller à des jugements qui sont inspirés par une vision très légère des choses".

De son côté, le collectif d'associations et de syndicats qui réclame la suppression du fichier prépare des actions, en plus de la pétition lancée en juillet et qui a déjà recueilli plus de 120.000 signatures. Le collectif tiendra une conférence de presse à ce sujet mardi à Paris.

Et alors que la contestation était jusqu'à présent cantonnée à la gauche et au secteur associatif et syndical, la présidente du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) Laurence Parisot fait maintenant elle aussi part de son "trouble". "Je note que nous n'avons pas été consultés alors que nous sommes concernés en tant que militants de l'entreprise", a-t-elle dit sur RTL, souhaitant "des explications" de la ministre de l'Intérieur.

Le décret créant EDVIGE (Exploitation documentaire et valorisation de l'information générale) a été publié le 1er juillet dernier au Journal officiel. Ce fichier controversé autorise les services de renseignements à collecter des informations sur tous les militants politiques, associatifs ou syndicaux, et sur toute personne ou groupe simplement "susceptible de porter atteinte à l'ordre public". Le fichage est autorisé à partir de l'âge de 13 ans et peut comporter des informations sur l'état de santé ou l'orientation sexuelle de la personne concernée.

Samedi, c'est le ministre de la Défense qui avait sévèrement critiqué le "curieux mélange des genres" constitué par ce fichier dans un discours prononcé devant l'université d'été des jeunes centristes à La Londe-Les Maures (Var).

Après la ministre de l'Intérieur Michèle Alliot-Marie qui proposait ironiquement de "rassurer" Hervé Morin, c'est François Fillon qui a recadré le ministre de la Défense. "Je pense qu'il n'est pas nécessaire de créer des suspicions là où elles n'existent pas, j'ai eu l'occasion de le lui dire", a déclaré le Premier ministre à Bayonne.

"Cela ne remet pas en cause l'unité du gouvernement, qui est aussi un endroit où l'on débat. J'ai toujours dit mon attachement au débat, ce n'est pas une caserne un gouvernement", a-t-il ajouté, avant de lâcher: "En l'occurrence, il ne faut pas se laisser aller à des jugements qui sont inspirés par une vision très légère des choses".

Reste qu'une partie de la majorité partage les interrogations du ministre de la Défense. Le Parti radical, composante de l'UMP, a réclamé lundi la création d'une mission d'information parlementaire paritaire entre la majorité et l'opposition pour "dresser un état des lieux complet et exhaustif des fichiers mis en place en France par les pouvoirs publics". Et Yanick Paternotte, porte-parole des députés "réformateurs" (libéraux de l'UMP), a demandé au gouvernement "de clarifier les objectifs et les critères d'inscription de certaines données dans le fichier" controversé.

Côté syndical, la CFDT, signataire de la pétition lancée le 10 juillet, a rappelé son opposition.

EDVIGE "est totalement inadmissible et je ne vois pas l'utilité d'un fichier où l'on indique les organisations syndicales, les orientations sexuelles, les maladies, etc.", a lancé sur Europe-1 le secrétaire général de cette confédération François Chérèque. "Je ne vois pas à quoi sert ce fichier si ce n'est contrôler de façon inadmissible les citoyens de notre pays".

L'inquiétude provoquée par ce fichier "nous semble totalement justifiée tant le spectre d'informations est large et le caractère personnel de certaines données est forte", a pour sa part expliqué le député socialiste de Seine-Saint-Denis Bruno Le Roux à l'occasion du point de presse du PS lundi.

"Ces fichiers existent depuis toujours. Ils avaient même fait l'objet d'une certaine formalisation en 1991. Et donc beaucoup de ceux qui aujourd'hui s'étonnent sont en réalité des hypocrites puisqu'ils ont gouverné à des époques où ces fichiers existaient et peut-être moins contrôlés qu'aujourd'hui", a répliqué le Premier ministre.

Il a précisé que "ces fichiers ont fait l'objet de débats au Conseil d'Etat, d'un accord de la CNIL" (Commission nationale de l'informatique et des libertés), qui avait toutefois émis des réserves. Depuis la parution du décret, plusieurs recours pour obtenir son annulation ont été déposés auprès du Conseil d'Etat. AP

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