Le lycée de Xavier Darcos : un miroir aux alouettes ? – 1/2

Publié le par Sarkomance

La réforme du lycée préparée par X.Darcos présente des risques sérieux de régression. Si elle est mise en œuvre comme prévu à la rentrée 2009, elle peut déboucher sur un lycée moins démocratique et moins efficace que l’actuel. Au-delà de la propagande paradoxale qui voudrait qu’en diminuant l’encadrement pédagogique tout devrait aller mieux, les acteurs de l’éducation doivent analyser attentivement les tenants et aboutissants d’une transformation majeure du lycée. Il est vrai que la réforme prévue est d’une complexité telle que même les plus avertis nes’y retrouvent pas facilement. Et la célérité inquiétante de Xavier Darcos n’est pas faite pour éclairer les choses.

 Il faut prendre d’abord la mesure du trompe-l’œil, ce que l’on peut appeler « l’habillage » de la réforme : moins d’heures de cours, architecture « modulaire », rythme semestriel. Pourquoi cette réforme ? Officiellement, il s’agirait de rapprocher le lycée de l’université, en rendant les lycéens plus « autonomes ». En somme, ce qui a tant de mal à convenir à des centaines de milliers d’étudiants frappés par l’échec du fait d’un sous-encadrement criant devrait être appliqué rapidement aux lycéens dont beaucoup sont des élèves scolairement fragiles, dont la plupart n’ont pas à domicile professeurs particuliers et parents en mesure de les aider.

Le raisonnement est étrange. En fait, il est biaisé. Quiconque ne comprend qu’il s’agit exclusivement « d’habiller » la baisse de 80 000 enseignants dans les quatre années qui viennent, dans le cadre d’une politique de réduction de l’emploi public, ne peut vraiment juger de la réforme dans ses fins, ses modalités, ses conséquences. La raison financière de cette réforme est aujourd’hui masquée, elle ne l’était pas hier. En 2007 dans sa Lettre aux éducateurs, N.Sarkozy avait dit clairement ses intentions: « Dans l’école que j’appelle de mes vœux où la priorité sera accordée à la qualité sur la quantité, où il y aura moins d’heures de cours, où les moyens seront mieux employés parce que l’autonomie permettra de les gérer davantage selon les besoins, les enseignants, les professeurs seront moins nombreux. »

La reconstruction totale du lycée qui est en cours aujourd’hui n’a donc, selon les propos même de N.Sarkozy, qu’un seul véritable objectif : la réduction du nombre d’enseignants. Rien d’autre ne compte, ni l’évolution des contenus, ni la poursuite de la démocratisation, ni l’élévation des niveaux de savoir. C’est sans doute la première fois qu’une si profonde mutation est entièrement commandée par des impératifs strictement comptables.

Tout changer pour diminuer le nombre d’enseignants ?

La réforme du lycée s’inscrit dans le cadre plus général de la « Révision générale des politiques publiques » (RGPP) engagée depuis l’été 2007 et conduite directement par l’Élysée (cette grande opération de « modernisation » est menée dans le cadre du Conseil de modernisation des politiques publiques présidé par Nicolas Sarkozy).

Un rapport d’audit confidentiel rédigé par Pierre Lepetit ( inspecteur général des finances) et par Françoise Mallet (inspectrice générale de l’Éducation nationale) et remis le 15 novembre 2007à Claude Guéant ( secrétaire général de l'Élysée) et à Jean-Paul Faugère (directeur de cabinet de François Fillon) a été rendu opportunément public par l’ AEF, une agence de presse spécialisée dans les questions d’enseignement (communiqué AEF n°83598),au mois d’août 2008. Il éclaire singulièrement les intentions ministérielles.

La problématique du rapport est simple. Pour parvenir aux objectifs de réduction du nombre de fonctionnaires (suppression d’un poste sur deux de fonctionnaires à la retraite dans l’Éducation nationale), il faut entreprendre des réformes structurelles profondes : "Comment assurer la poursuite voire l'accélération de l'effort d'assainissement budgétaire sur la période 2009-2011-2012 sans réformes structurelles du système éducatif ?" se demandent les experts commandités. Leur réponse est limpide, en dépit d’une certaine langue de bois :"À défaut de réforme, le scénario d'optimisation des moyens sera insuffisant pour atteindre les objectifs budgétaires et conduira à dégrader les résultats du système éducatif", estiment-ils. En d’autres termes, pour parvenir à ces baisses d’emplois, il faut opérer une série de grandes réformes du système éducatif dans tous les domaines : pédagogiques, organisationnelles, statutaires.

Les trois scénarios de réforme proposés valent la peine d’être examinés. Ces scénarios (optimisation, autonomie maîtrisée, autonomie complète), conformément à la logique strictement comptable de la RGPP, sont évalués uniquement en termes d’économie de postes. Le premier scénario de "l'optimisation de la gestion des ressources sans réforme majeure de l'offre éducative "permettrait "une économie potentielle de 41 000 à 43 000 emplois temps plein (ETP) nets sur cinq ans". Le second scénario d’autonomie maîtrisée, "comprend des réformes importantes sur l'offre éducative et sur les conditions de travail des enseignants dans le cadre d'une plus grande autonomie des établissements pilotée par l'État". L'économie réalisée est évaluée entre 85 000 à 93 000 ETP nets sur cinq ans. Le troisième scénario correspond à une "autonomie complète" du système, c’est-à-dire àla déconcentration totale de l'offre éducative et à la décentralisation des financements. L'économie réalisée est la même que celle du deuxième scénario.

Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que les auteurs valorisent le deuxième scénario, qui permet de réduire le nombre total d’enseignants de plus de 10 % en cinq ans, mais au prix d’une baisse importante de « l’offre d’éducation » et d’une transformation de l’organisation du travail des enseignants.

On s’intéressera ici spécialement aux conséquences de ce scénario sur le second degré, mais il n’est pas inutile de savoir que dans le premier degré, cette politique impose déjà un recul considérable de l’offre d’éducation puisqu’il suppose une réduction du nombre d’heures de cours, la réduction de la scolarisation à deux ans voire à trois ans, la suppression des réseaux de soutien et d’aide aux élèves en difficulté.

Cette réduction importante sera donc prolongée dans le second degré, en commençant par le lycée dès 2009. Fin des redoublements, plafonnement et annualisation des horaires élèves, simplification des programmes d’enseignement, telles sont quelques-unes des préconisations du rapport concernant l’offre éducative (à côté de celles qui concernent les conditions de travail des enseignants).

On voit sans doute mieux le sens de la mission confiée à Jean-Paul de Gaudemar par X.Darcos : proposer une réforme qui puisse satisfaire aux impératifs de la RGPP pilotée par N.Sarkozy. La FSU par la voix de son secrétaire général G.Aschiéri a estimé que le lycée pourrait « rendre » par l’application de la réforme entre 15 000 et 20 000 postes, soit un quart ou un cinquième de la réduction totale espérée, le reste des suppressions devant être trouvé dans le primaire et dans le collège.

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