Mayotte :Des expulsions sans témoins

Publié le par Sarkomance

La Cimade n’a pas pu obtenir de bureau dans le centre de rétention de Mayotte.

Les cris d’alarme lancés aussi bien par Dominique Versini, la défenseure des enfants (lire page 3), que par des associations comme la Cimade sur les conditions de d’enfermement des étrangers au Centre de rétention administrative (CRA) de Mayotte ont-ils été entendus ? Lors de son passage dans l’île, le 16 mai, Yves Jégo avait promis la construction d’un nouveau CRA de 140 places. Hier, les services de Brice Hortefeux affirmaient que l’engagement serait tenu. Une somme de 20 millions d’euros devrait être débloquée d’ici à 2011 à cette fin. La date d’ouverture de ce nouveau centre n’est en revanche pas fixée.

Chiffres en hausse.

La volonté du ministre de l’Immigration est claire: il n’entend pas relâcher la «pression très forte» mise sur les clandestins «dans les départements et collectivités d’outre-mer».«En 2006, le nombre d’éloignements y a progressé de 53 %, pour atteindre près de 24 000, se félicitait-il en novembre 2007. Sur les neuf premiers mois de l’année 2007, nous dépassons nos résultats de la même période en 2006.» A Mayotte, le chiffre des expulsions est de 16 000 chaque année, dont 2 à 3 000 mineurs.

Problème : ces reconduites à la frontière se font sans témoins. La Cimade qui dispose par convention avec l’Etat de bureaux dans les CRA métropolitains n’a jamais pu obtenir les mêmes facilités à Mayotte. «Ça fait très longtemps qu’on demande des habilitations et qu’on ne les a pas, regrette Damien Nantes, responsable à la Cimade du service défense des étrangers reconduits. Ponctuellement, des bénévoles peuvent s’y rendre en visite à la demande d’étrangers ou de leur famille pour tenter de les assister, mais c’est tout.» Et le ministère semble se satisfaire de cette situation. Mayotte ne figurait pas dans l’appel d’offre lancé en août pour ouvrir à d’autres associations que la Cimade, les missions d’information et d’assistance juridique dans les centres de rétention administrative. Appel d’offre retoqué depuis par le tribunal administratif. «Il n’y a pas de volonté ministérielle que les étrangers retenus à Mayotte bénéficient des mêmes mesures d’accompagnement qu’en métropole, et que la société civile voit un peu ce qui se passe dans ce centre», commente Damien Nantes.

Dans les clous.

En métropole, la situation est évidemment différente. La vigilance des associations contraint l’Etat à rester à peu près dans les clous de la légalité. Les objectifs d’Hortefeux sont pourtant les mêmes : expulser un maximum de clandestins. L’objectif était de 26 000 reconduites pour 2008. Le ministère n’a pas fait connaître les chiffres définitifs même s’il déclarait en octobre que le nombre des expulsions pour les neuf premiers mois de 2008 dépassait celui de toute l’année 2007. La volonté d’Hortefeux de mettre une Cimade, jugée trop critique, en concurrence avec d’autres associations dans les CRA a également été vue comme une tentative de poser une chape de plomb sur ce qui se passe dans ces lieux.

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