Le collectif Hannibal

Publié le par JACOBS Christophe

Le collectif Hannibal : "Au-delà de Spartacus et du péplum de campagne, il y a de vrais enjeux"
LEMONDE.FR | 04.04.07

Qu'est-ce que Hannibal ? Qui représentez-vous ?

Notre collectif est né d'une réaction à une tribune d'un groupe appelé Spartacus, qui marquait le ralliement de hauts fonctionnaires à François Bayrou. Nous étions un groupe de camarades, jeunes hauts fonctionnaires, ou cadres du privé, par exemple jeunes avocats. Lancer Hannibal en réponse à Spartacus était un trait d'humour, en référence aux "éléphants" du PS, mais cela exprimait quelque chose de beaucoup plus sérieux. Le pertinence du clivage entre la droite et la gauche, à laquelle nous sommes attachés. Et la candidature de Ségolène Royal.

Nous avons un noyau dur de trente personnes mais aussi des ramifications dans d'autres réseaux. Certains d'entre nous sont membres du PS, de tendances différentes, et quelques-uns ont déjà eu des responsabilités.

Pourquoi avoir choisi l'anonymat ? N'est-ce pas une simple stratégie médiatique ?

En partie à cause du devoir de réserve imposé aux fonctionnaires, mais tant mieux si cela fait parler et nous aide à faire passer notre message.

A quoi va servir votre blog ? (http://www.blog-hannibal.com/)

D'autres tribunes ont été publiées depuis la nôtre – dans Libération : sous le nom "Hibernatus", de la part de sarkozystes, et sous le nom "Les Gracques", des "aînés", hauts fonctionnaires socialistes, qui appelaient au rapprochement entre François Bayrou et Ségolène Royal. En lançant un site, Hannibal veut passer à un deuxième temps, au-delà du péplum de campagne. Nous allons écrire et institutionnaliser nos réunions car il y a des choses très importantes qui se passent dans cette campagne et dont il faudra tirer les conséquences.

Que se passe-t-il donc de si important ?

La candidature de Ségolène Royal est un formidable moteur de rénovation. C'est une chose trop peu dite. Elle a fait bouger beaucoup de lignes par son indépendance, sa liberté de ton et sa capacité à sentir l'opinion. Par exemple, sur la sécurité, sur l'entreprise, en parlant de "droits"  et de "devoirs", sur le marché du travail, en évoquant l'assistanat, ou sur l'identité nationale, qu'elle a reprise à la droite. Elle a sorti les socialistes de certains complexes. Et nous voulons pousser cette rénovation à son terme.

Comment devrait se poursuivre cette rénovation ?

Nous pensons que les rentes dominent en France. Elles peuvent être symboliques, financières ou générationnelle. Une rente, c'est quand on reçoit quelque chose sans effort. Le rôle historique des socialistes est de combattre ces rentes. Par exemple, en économie, les banques tirent des revenus énormes de leurs clients...

Cela ne s'appelle-t-il pas simplement le commerce, en l'occurrence avec bénéfices ?

Prenez l'exemple de l'eau : c'est un secteur très peu concurrentiel, et les revenus très importants tirés des hausses de facture ont permis à Vivendi ou Suez de se diversifier dans les médias ou à l'étranger. Mais c'est le citoyen français qui a payé la facture. A l'école, il y des rentes, suivant où on habite, les gens qu'on connaît, en gros, selon que l'on est puissant ou misérable. Il y a encore des rentes de situation : les combats sociaux sont toujours les mêmes, mais qui représente les gens qui font le ménage dans des petites sociétés privées, la nuit ? Les vrais combats sociaux ne sont pas toujours là où l'on croit.

Pourquoi vous opposer à François Bayrou, qui serait sûrement prêt à adopter ce discours ?

François Bayrou est quelqu'un qui a dit en 1993 que l'UDF serait toujours à droite et ne pouvait pas être à gauche. Il a été membre d'un gouvernement de droite. Il a été un ministre de l'éducation nationale particulièrement à droite. Je ne ferai donc pas confiance à François Bayrou pour défendre les personnes défavorisées. Le centre, c'est de la mauvaise humeur. Des gens ont réagi à la conduite de cette campagne et au rôle des sondeurs. Mais les vraies valeurs sont à gauche, dans une gauche rénovée.

Quelles différences de programmes vous font préférer Ségolène Royal à François Bayrou ?

François Bayrou est l'outsider. Il n'a fait que chercher à se créer un espace, en faisant des propositions dans tous types de domaines. Certaines mesures font effectivement consensus. Mais tout est une question de mise en œuvre. Sur les aides aux petites entreprises, par  exemple, François Bayrou propose des baisses de charges, Ségolène Royal propose une logique donnant-donnant, qui intègre un principe de justice. Tous parlent de la dette, mais elle s'est creusée plus vite sous la droite. Le projet de Ségolène Royal est plus poussé, par exemple sur la décentralisation et la réforme des institutions.

Quant à la présidence de la République, j'ai été touché personnellement quand Ségolène Royal a dit que la présidentielle n'était pas l'alpha et l'oméga de sa vie, ou de la vie politique. Une femme qui dit cela, c'est autre chose qu'un homme qui nourrit son ambition depuis trente ans, comme Nicolas Sarkozy, François Bayrou, Jacques Chirac ou François Mitterrand. François Bayrou, en se positionnant à gauche, espère un effet d'aubaine. Mais la question de la confiance est centrale.

Propos recueillis par Alexandre Piquard

 

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