La doctrine Sarkozy : des projets décousus 1/2

Publié le par JACOBS Christophe

Quand l’incompétence dispute avec la surdité, M.Sarkozy semble figurer ce type du dirigeant doctrinaire qui, loin de rester à l’écoute des avis les plus lucides, prétend imposer une réponse absolue, ferme et définitive sur tous les sujets.

Nous nous limiterons à quelques points fondamentaux de la politique économique où la doctrine Sarkozy fait merveille: permettant l’ouverture d’une série de faux débats qui ne sont appuyés ni par la raison ni les fruits de l’expérience et qui conduit à appliquer de fausses solutions - à des problèmes réels ou supposés - dont les résultats ne font qu’aggraver une situation déjà délicate.

Qu’il soit question du déficit public, de la relance de la croissance économique et de la réduction du chômage toutes les mesures proposées dans le programme et les interventions de M. Sarkozy - et sur lesquelles s’attache l’imagination délirante du personnage - convergent dans un sens contraire à ce qu’il faudrait faire pour assurer la prospérité de la France.

 

I. Le déficit public

On sait que la dette de l’Etat résulte du déséquilibre entre les recettes fiscales et les dépenses publiques. Chaque année depuis 1974 la France adopte une loi de finance déficitaire. Aujourd’hui le pays traîne une dette croissante de plus de 1200 milliards d’euros (1) et le service de la dette, c’est-à-dire le paiement des intérêts aux prêteurs représente une charge de plus de 40 milliards d’euros par an, soit le deuxième poste de dépense. On s’imagine bien qu’il faudra tôt ou tard étudier les causes structurelles et conjoncturelles de la dette, réduire les dépenses et augmenter les recettes pour équilibrer le budget de la nation.

Qu’a fait M. Sarkozy ? Que propose t-il ? Tout le contraire.

C’est à partir de 1993, et surtout durant les années 1994 et 1995, alors qu’il était ministre du Budget sous le gouvernement Balladur, que le déficit a bondi jusqu’à 6 %, au mieux 5,4 % du PIB. Il obtient ainsi le triste record du déficit budgétaire de la Ve République ce qui lui vaut bien le titre de "Mr Déficit". Selon les chiffres du ministère de l’Economie la dette publique est passée de 375 milliards d’euros en 1993 (45,3% du Pib) à 496 milliards d’euros en 1995 (54,6% du Pib), soit 121 milliards d’euros d’augmentation (une augmentation d’environ 1/3 de la dette française). (2)

En avril 2004 le même hurluberlu, alors ministre de l’Economie et des Finances, sort de son chapeau une solution miracle : Il faut vendre l’or de la Banque de France ! "Nicolas Sarkozy indiquait sur TF1 que cette vente "est une idée à creuser (...) à deux conditions". La première est d’obtenir l’accord du gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, et la seconde consiste à ne pas utiliser ces financements pour des dépenses de fonctionnement. Les réserves d’or pourraient alors servir, selon l’hôte de Bercy, à " réduire la dette " (3) A la Banque de France, le stock d’or français de 487 tonnes en 1948 grimpera constamment pour culminer à 4 700 tonnes en 1975. Dès 1980, il est ramené à 3 200 tonnes et n’en bougera plus jusqu’en 2004. Or dès le 20 avril M. Strauss-Kahn déclare dans une tribune du Figaro : "On nous présente cette affaire comme l’un des instruments majeurs au service de la politique économique du gouvernement, or elle se réduit à procurer à l’Etat 40 millions d’euros par an ! Est-ce avec cela que ce gouvernement compte compenser les 20 milliards d’euros que coûte la baisse de l’impôt sur le revenu. [...] Une telle opération ne changera rien à notre situation économique. Vendre 100 tonnes d’or, c’est mobiliser 1 milliard d’euros et dégager au maximum 40 millions d’euros de recettes supplémentaires, ce qui équivaut à 0,1 % de notre déficit budgétaire. Et même si ce milliard pouvait être sorti des comptes de la Banque de France au moyen d’une ruse un peu dérisoire, puis donné à l’Etat afin de contribuer à son désendettement, il ne comblerait là encore que 0,1 % d’une dette qui s’accroît actuellement de 2% par an. Qu’on permette aux Français d’attendre du ministre des Finances des solutions qui résolvent plus de 0,1 % des problèmes qui sont devant nous." (4)

Nous n’entendons donc plus parler de vente du stock d’or de la Banque de France quand Hélène Mazier du journal La Tribune (article depuis peu retiré de la publication sur le site du journal) nous apprend que 200 tonnes auraient été vendues depuis septembre 2004 au titre de l’accord CBGA II (2004-2009). Ces "ventes Sarkozy" porteraient en fait sur un total de 500 tonnes (100 tonnes/an) négociées en 2004 alors que le prix du métal précieux était de 400 $/l’once, qu’il vaut plus de 630 $/l’once aujourd’hui et que l’expertise financière de Merrill-Lynch a toujours estimé la progression de cette valeur qui devrait se fixer à long terme autour de 850 $ l’once. (5) Emmanuel Gentilhomme s’interroge "A quoi rime tout cela ? Est-il possible de gérer plus mal le plus solide des actifs que puisse compter le patrimoine public ? Nous n’avons pas de réponse définitive à apporter à cette question. Mais nous vous invitons, chers lecteurs, à la poser à vos élus." (6) S’agit-il dans ces ventes de suivre stupidement l’exemple de la Banque d’Angleterre qui disposait de 2.500 tonnes en 1960 et seulement de 312 tonnes en 2004 alors que le World Gold Council donne de nombreuses raisons pour les Etats de préserver une réserve d’or stratégique ? (7) A qui profite ces ventes ? S’agit-il de répondre à la demande de certains spéculateurs ou bien de ruiner définitivement la France ?

Sur le plan des recettes fiscales, les nouvelles déclarations de M. Sarkozy provoquent la même stupéfaction. Apres avoir fait exploser la dette publique, fait disparaître une partie des réserves d’or de la France en tentant de réparer une première erreur par une autre plus grossière encore ; Le personnage poursuivant ses lubies veut renoncer à stabiliser le déficit et repartir dans la course à la dette en supprimant des recettes budgétaires indispensables !

"Nicolas Sarkozy, qui promet 15 milliards d’euros de baisses d’impôts dès cet été, a souligné la semaine dernière qu’il ne s’interdirait pas de marquer une pause dans la réduction du déficit budgétaire." (8)

"Pourtant, c’est bien en France que l’impôt sur le revenu est parmi les plus faibles de tous les grands pays développés. Il est payé par un Français sur deux, seulement. Et les réformes menées ces dernières années ont progressivement ramené le taux marginal de 65% en 1981 à 40% cette année. Du coup, notre impôt est devenu très compétitif par rapport aux autres pays. Le taux moyen de l’impôt en France s’élève à... 8% ! L’étude, réalisée par le cabinet Landwell pour le Nouvel Observateur (voir page suivante), montre que l’IRPP est plus faible en France qu’en Allemagne ou en Belgique et même qu’en Grande-Bretagne, si souvent montrée en exemple." [...] "Une réduction de 4 points des prélèvements obligatoires, soit 68 milliards ! Un montant totalement fantaisiste. Ses conseillers ont donc réajusté le tir. Tout ne sera pas fait tout de suite. « Notre but est d’utiliser l’outil fiscal pour inciter au travail et à la production », insiste un de ses conseillers, le député UMP Gilles Carrez. La réforme du bouclier fiscal, qui plafonnerait à 50%, contre 60% actuellement, le total des impôts payés par un contribuable ? 0n ne sait plus si la CSG sera incluse ou non dans le bouclier. La déduction des intérêts d’emprunts immobiliers ou des dépenses de services à la personne ? En fait elle sera plafonnée. Mais à quel taux ? Il n’est pas fixé. La suppression des droits de succession pour l’essentiel des contribuables ? Elle sera plus limitée." (9)

Dans la dernière version du programme électoral : "Le candidat UMP ne reprend pas sa proposition de baisser de 4 points les prélèvements obligatoires. Il affirme par contre qu’il "n’ [augmentera] pas les impôts mais au contraire [fera] tout pour les baisser". Il ne cite pas non plus l’abaissement du bouclier fiscal de 60 % à 50 % du revenu, dont il avait fait son cheval de bataille lors de son discours d’investiture. L’idée d’une franchise non remboursée pour les dépenses de santé a également été abandonnée. Mais dans le programme figure la suppression des droits de succession, "à l’exception des plus riches". Jeudi matin, Xavier Bertrand a pourtant affirmé que "tous les points qui ont été évoqués à un moment ou à un autre sous forme d’interview ou dans des discours restent bien au cœur du projet de Nicolas Sarkozy", même s’ils ne figurent pas dans le fascicule. Le bouclier fiscal "figure toujours, effectivement, dans nos intentions", de même que la franchise pour les dépenses de santé, a cependant assuré Xavier Bertrand." (11)

Ces propositions restant dans l’ensemble incertaines et contradictoires, nous restons donc dans le brouillard et rien de concluant sur le sujet de la réduction du déficit public n’est dit. Il faut simplement et sérieusement envisager le pire. Promettre des baisses d’impôts alors que la croissance patine et que le poids de la dette s’alourdit de jour en jour n’est pas sérieux. C’est un pari démagogique et irresponsable...

Sera-t-il un jour possible d’évoquer les causes structurelles de la dette ? Puisqu’il faudra bien voir un jour que les réductions d’impôts et la politique monétariste (qui oblige l’Etat à emprunter à plus de 3% d’intérêt la masse monétaire correspondant au surplus annuel de la production soit plus de 40 milliards d’euro en 2006) jouent un rôle essentiel.

C’est ce souci d’analyse réaliste qui fait dire : "Toutefois, si l’on agrège les créances et les dettes des ménages français, il ressort que les intérêts de la dette publique sont des revenus pour les Français payés par l’impôt des Français. Ce constat doit-il nous rassurer ? Eh bien non, car, explique l’économiste Jean-Marie Harribey, il traduit un effet de fiscalité redistributive à l’envers, puisque ce sont les classes aisées qui achètent des obligations d’Etat, alors que la structure de la fiscalité est telle que ce sont les classes pauvres qui paient l’impôt dans une proportion inverse à ce que commanderait la justice - l’impôt indirect non progressif étant prédominant par rapport à l’impôt direct progressif." (10)

 

(1) http://cluaran.free.fr/dette.html

(2) http://democratie-directe.blogspot.com/2007/02/dette-externe-en-france-vu-par-la-cia.html

(3) http://www.humanite.fr/journal/2004-04-13/2004-04-13-391824

(4) http://www.dsk2007.net/Le-mythe-du-tresor-cache.html

(5) http://www.leblogfinance.com/2006/03/fallaitil_vendr.html

(6) http://www.leblogfinance.com/2006/04/rions_jaune_ave.html

(7) http://www.gold.org/value/reserve_asset/gold_as/background.html

(8) http://www.lesechos.fr/info/france/4562537.htm

(9) http://hebdo.nouvelobs.com/p2211/articles/a336789.html

(10) http://www.contrecourant.org/article.php ?id=118

(11) Le Monde

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