Analyse critique du programme UMP - 7

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Les propositions de l’UMP et les services publics.

La question des services publics et de la réforme de l’Etat est au cœur du projet de l’UMP. En même temps, elle est traitée avec beaucoup d’ambiguïté. Il s’agit de l’un des domaines où la duplicité, l’ambivalence et la confusion des genres pratiqués couramment par Nicolas Sarkozy apparaissent de la manière la plus éclatante.

 L’UMP cherche d’abord à fidéliser son électorat traditionnel acquis aux thèses du libéralisme et ses puissants réseaux dans les grandes entreprises et les milieux financiers. Son fil directeur reste donc le thème de la réduction de l’intervention de l’Etat et la rupture avec le modèle économique et social dont les services publics sont l’un des piliers fondamentaux.

Simultanément, l’UMP veut rassurer et séduire les couches populaires dont l’attachement aux services publics est profond. A cette fin, le projet utilise le registre du populisme, de la démagogie et de l’amalgame pour faire croire que la droite garantirait une meilleure qualité des services publics. Les formules lénifiantes, mais sans contenu réel, se succèdent : « un Etat qui marche bien », « un usage responsable des finances publiques », « un pacte de progrès avec les fonctionnaires », « un Etat qui nous permette de passer de la République des effets d’annonce à celle des droits réels », etc. Cette combinaison de calculs contradictoires est sous-tendue par une triple logique.

  • UNE LOGIQUE DU BOUC EMISSAIRE

L’intervention de l’Etat serait responsable de tous les problèmes de la société française. Depuis trente ans, son organisation n’aurait pas évolué. Son incapacité à s’adapter à une société en mouvement serait à l’origine de la perte par la France de la maîtrise de son destin, du creusement des inégalités et de la montée de la précarité. Les fonctionnaires sont décrits comme des forces de résistance au changement. Le projet de l’UMP renvoie l’image d’une administration passéiste et enracinée dans l’immobilisme. Cette présentation est insultante pour les 5 millions de fonctionnaires qui, sur le terrain, dans les services territoriaux de l’Etat, les hôpitaux et les collectivités locales, se sont adaptés au contraire à d’importantes réformes, comme celle de la décentralisation ou de LOLF, bouleversant leurs métiers et leurs conditions de travail.

  • UNE LOGIQUE DE DEFAUSSE

Le projet de l’UMP est un projet « hors sol », en apesanteur, déconnecté de tout bilan de l’action des gouvernements que ce parti a soutenu continûment et dont le président reste un Premier ministre bis.

Pas un mot sur les mesures de déréglementation et de privatisation prises depuis 2002. Pour évoquer l’avenir des services publics qui n’en ont guère avec elle, l’UMP est obligée de passer sous silence le bilan de l’action gouvernementale dans les télécommunications (privatisation totale de France Télécom), dans les territoires (fermetures des bureaux de poste et suppression des tournées dans les zones rurales et les quartiers défavorisés), en matière de crédit (banalisation de la banque postale) ou dans les transports (bradage des sociétés d’autoroutes).

La contradiction resurgit quand l’UMP propose de réaliser des actions auxquelles les gouvernements UMP ont tourné le dos, comme garantir enfin l’accès égal de tous aux différents moyens de communication (internet haut débit, TNT) sur tout le territoire. Avec quels outils et surtout à quel prix?

Elle n’ose même pas se prononcer sur l’évolution des services publics de l’énergie, pourtant replacée au cœur de la campagne présidentielle par la récente décision du Conseil constitutionnel sur la fusion Suez-GDF. On comprend sa gêne, ce projet improvisé, profondément néfaste pour les consommateurs comme pour la sécurité énergétique du pays, a été adopté grâce au reniement de l’engagement pris solennellement par Nicolas Sarkozy en 2004 de ne pas abaisser au-dessous de 70 % la part de l’Etat dans le capital d’EDF et GDF.

Avec un culot d’acier, l’UMP dénonce « l’augmentation des prélèvements obligatoires, de l’emploi public et de la dette » et appelle le retour à des « finances publiques responsables », en omettant évidemment de rappeler que, depuis 2002, sous l’effet des politiques menées, le creusement des déficits budgétaires a fait connaître à la dette publique une hausse record (de 58 % à 66 % de PIB).

Sans gêne aucune, elle veut se faire le chantre de la clarté, de liberté et de la responsabilité des collectivités locales, et promet l’interruption des transferts de compétences. Les élus locaux n’ont pas oublié que les désengagements financiers de l’Etat sur le dos des collectivités locales se sont multipliés depuis 2002, et même que le gouvernement les a mis en accusation en rejetant sur eux, contre toute évidence, sa responsabilité dans le gonflement de la dette et des déficits publics.

  • UNE LOGIQUE DE DISSIMULATION

L’UMP propose un « contrat de législature » à l’ambition apparemment modeste puisqu’il vise à ramener en cinq ans le poids de la dette publique sous la barre des 60% du PIB, c’est-à-dire au-dessus du niveau où l’a laissé le gouvernement Jospin. Elle veut limiter la progression des dépenses publiques (Etat, collectivités territoriales, régimes sociaux) à 1,5% (en volume) sur l’ensemble de la législature.

Elle se garde bien de préciser si son projet est cohérent avec l’engagement pris par le gouvernement Villepin de stabiliser les dépenses de l’Etat en valeur (et non plus simplement en volume) d’ici 2010, c’est-à-dire de les faire baisser de près de 2 % chaque année, ce qui implique des coupes budgétaires et des suppressions d’emplois drastiques. Elle n’indique pas quels secteurs seraient les plus touchés (éducation, justice, police…). Elle dissimule ses véritables intentions aux Français en évoquant à mots couverts « une révision générale des politiques publiques ».

L’UMP veut faire croire que les services publics seraient menacés non par la logique de démantèlement et de privatisation, qui constitue son fonds de commerce traditionnel, mais par le prétendu immobilisme ou archaïsme de ceux qui s’y opposent. Les libéraux veulent se faire passer pour de grands défenseurs des services publics. Mais qui peut sérieusement compter sur eux pour « retrouver l’esprit du service public » ?   

La confusion tourne à la farce quand l’UMP se prétend attachée au maintien des services publics dans les zones rurales ou périurbaines, et s’engage à ne procéder à aucune fermeture « sans garantir un service de qualité supérieure ». Le seul exemple cité, celui des « Points Poste », est édifiant. Pour l’UMP, proposer aux usagers des prestations revues à la baisse, chez un commerçant, sans garantie de professionnalisme ou de confidentialité, constitue un progrès !  

  • UNE PROPOSITION : REGLER LEUR COMPTE AUX AGENTS PUBLICS

Moins nombreux pour travailler plus

Le projet de l’UMP propose un « pacte de progrès » avec les fonctionnaires, fondé sur le mérite, l’engagement et la considération. Ce pseudo pacte ne sera pas négocié avec leurs représentants, il leur sera imposé. Le « progrès » ne portera pas sur l’évolution des missions, le déroulement des carrières, l’enrichissement des taches ou l’amélioration du pouvoir d’achat des plus modestes. La réduction du nombre d’agents publics est l’unique objectif.

La relation « gagnant-gagnant » qui leur est soi-disant proposée est une forme de chantage. Il s’agit de leur faire accepter d’importantes suppressions de postes dans leurs services avec l’espoir d’être mieux rémunérés en échange. Cette approche mercantile déconnecte le dialogue social dans les administrations de toute notion d’intérêt général, de toute considération sur la qualité du service public. Ainsi, l’UMP imagine de faire travailler plus longtemps des fonctionnaires qui sont déjà soumis à de fortes pressions comme les personnels hospitaliers, les magistrats, les enseignants… 

La rémunération au mérite sera systématisée, ce qui ouvre la porte à bien des dérives. On voit quels dérapages produit l’omniprésence de la culture du chiffre dans la police. Le salaire des fonctionnaires ne sera plus déterminé selon des critères objectifs en fonction de leur grade, de leur niveau de responsabilité et de leur façon de servir. La perspective d’être mieux rémunéré reste virtuelle et discrétionnaire. Les agents qui voudront gagner plus devront effectuer des heures supplémentaires.

  • L’éclatement du statut général des fonctionnaires

Avant toute concertation préalable, le projet de l’UMP prévoit de casser toute l’architecture de la fonction publique en l’organisant entièrement par métiers et non plus par corps de fonctionnaires. La réforme prévue ne consiste pas à réduire le trop grand nombre de ces derniers pour moderniser l’administration de l’Etat. Elle vise à faire table rase, à imposer une fonction publique organisée en six à dix métiers. La grande majorité des organisations syndicales ont déjà exprimé leur refus de cette réforme qui supprime toutes les garanties actuelles du déroulement des carrières.

Pour les libéraux, dans le public comme dans le privé, il importe avant tout de déconnecter la rémunération du statut. L’UMP imagine même de créer des postes « hors catégories habituelles de rémunération » destinés à attirer des chefs d’entreprises ou des hauts fonctionnaires qui ont pantouflé dans le privé. Les golden parachutes ne sont pas loin.

  • Moins de droits

Il s’agit de mettre les agents publics au pas. Aucune proposition n’est formulée pour moderniser le dialogue social dans la fonction publique. Au contraire, avec la conception très extensive du service minimum garanti inscrite dans le projet, le droit de grève sera toléré à condition de ne plus gêner personne. La procédure de l’alarme sociale appliquée à la RATP, qui a pourtant réduit de moitié le nombre de jours de grève, n’irait pas assez loin, ni l’obligation faite à la SNCF et à la RATP d’assurer 33 % et 50 % de leurs trafics. Il faudrait assurer la totalité des dessertes aux heures de pointe sur toutes les lignes.

Les fonctionnaires sont dissuadés de se présenter aux élections, notamment locales, pour exercer un ou deux mandats puisqu’il leur sera exigé préalablement de démissionner de la fonction publique et de renoncer définitivement à leur carrière professionnelle et au bénéfice du concours.

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