Deux députées sous le choc

Publié le par titof

Fraîchement élues députées de la 2e et 5e circonscription de la Gironde, les socialistes Michèle Delaunay et Pascale Got n'ont guère tardé à se mettre au boulot. Après avoir découvert les us et coutumes de l'Assemblée nationale, elles se sont attaquées en duo à un sujet particulièrement sensible : la condition carcérale. Sensible mais guère populaire dans une société majoritairement répressive, qui se préoccupe peu des prisonniers, tant qu'ils ne sortent pas de leur cellule. « Le livre du docteur Vasseur a provoqué un choc sans lendemain, le dossier est revenu sous le boisseau », constate Michèle Delaunay.
Les deux députées ont visité (séparément) la prison de Gradignan, Pascale Got pas plus tard qu'hier matin. Et toutes deux en sont sorties chamboulées par le cadre de vie d'une population en majorité jeune : « C'est un vieux HLM pourri qui a déjà 40 ans; il y flotte une odeur écoeurante, des détenus s'entassent à trois pour deux places, avec juste un petit lavabo où ils lavent à la fois leur linge et leur vaisselle; et pourtant, 55 % des prisonniers ont moins de 30 ans, c'est-à-dire toute leur vie à faire », explique Michèle Delaunay.


Sept lois depuis 2002.

« Question conditions de détention, la France est désormais au niveau de la Turquie », constate Pascale Got. Symbole, pour la députée du Médoc, de cette déliquescence : « La bibliothèque est ouverte à tous les vents, les pigeons passent par les vitres cassées. » Quant au soutien psychologique ou matériel, il se réduit sans cesse faute de moyens : « Il y a huit travailleurs sociaux pour 800 détenus, 180 d'entre eux seulement travaillent sans pour autant apprendre un métier qui pourrait faciliter leur réinsertion; encore heureux que subsistent les structures associatives et les visiteurs de prison, mais seulement 150 prisonniers en bénéficient », note Pascale Got.

Et Michèle Delaunay de poursuivre : « On a mis la charrue avant les boeufs en votant sept lois de justice depuis 2002, mais aucune n'a été suivie d'effets; sauf celle contre la récidive : elle a augmenté le nombre et la durée des peines, donc la population carcérale, surtout chez les mineurs. » Ceux-ci, a-t-elle appris, se battent de plus en plus souvent entre eux.

Numerus clausus.

Promiscuité, insalubrité, misère des moyens : le rapport des deux Girondines est sombre. Elles veulent pourtant proposer des réponses au groupe socialiste à l'Assemblée, qui devrait s'emparer du dossier lors du deuxième semestre, puisque la ministre de la justice Rachida Dati a promis une loi pénitentiaire. « D'abord, que l'on impose un numerus clausus par établissement, réclame Michèle Delaunay; si une prison comme celle de Gradignan comporte 650 places, il ne faut pas en ajouter artificiellement; ensuite, que le budget de la réinsertion passe de 8,4 % actuellement à 30 %; qu'on développe les peines de substitution et le bracelet électronique; pourquoi ne pas demander aux prisonniers d'entretenir eux-mêmes leurs cellules au lieu de les laisser toute la journée à ne rien faire ? Et même de repeindre leurs murs, comme les marins peignent leur bateau ? » s'exclame Michèle Delaunay.

Celle-ci tient toutefois à préciser qu'elle « ne remet pas en cause la nécessité de la sanction, mais il faut qu'elle ait une utilité et ne fabrique pas de la récidive ». Elle constate, pour enfoncer définitivement le clou : « Les milliards que l'Etat va devoir débourser pour le paquet fiscal correspondent à deux fois le budget de la Justice ». Pour l'instant, les prisons restent calmes.

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