Libye: une libération opportune pour Sarkozy

Publié le par titof

Incontestable succès du Président, le dossier des infirmières lui permet de renouer avec une Libye riche de promesses.

Nicolas Sarkozy l’avait promis au soir de sa victoire à la présidentielle: les infirmières bulgares condamnées à mort en Libye allaient devenir une priorité française. 24 juillet: l’avion présidentiel s’est posé à Sofia, les ressortissants bulgares et Cécilia Sarkozy à son bord. Une incontestable réussite du Président français mais une communication opaque.

L'Europe sur la touche

Le premier déplacement en Libye de Cécilia Sarkozy, accompagnée de Claude Guéant, le secrétaire général de l’Elysée, s’était déroulé sans concertation préalable avec la Commission européenne, pourtant en charge du dossier depuis 2004. Ce dimanche, Benita Ferrero-Waldner, commissaire européenne aux relations extérieures, était bien du voyage.

Manière de faire taire les mécontentements exprimés la semaine dernière par des diplomates européens qui avaient accusé la France de récupérer les fruits d’une négociation longue et difficile, à laquelle Tony Blair avait largement contribué. Le Britannique avait réussi à donner de l’impulsion au dossier en 2005 en négociant la tenue d’un nouveau procès. A Londres, la presse a peu abordé l'affaire, à l'exception du Times qui a consacré une page à Cécilia Sarkozy, titrant: "L'épouse de Sarkozy accusée de s'emparer de la mission de libération des infirmières détenues en Libye". Les critiques auxquelles le journaliste fait allusion étant celles... des socialistes français.

Partie prenante de la négociation de ce week-end, la Commission européenne a salué, par la voix de son président José Manuel Barroso, le travail de Nicolas Sarkozy: "Je suis très reconnaissant de l'excellente coopération avec le Président Sarkozy." Barroso a également remercié Cécilia Sarkozy et les "partenaires dans l’Union européenne".

Dans les couloirs de Bruxelles, le son de cloche n’est pas le même. Tous se souviennent de la fureur de Benita Ferrero-Waldner, lors du premier périple libyen de Cécilia Sarkozy. Un diplomate s’irrite, lui, de la méthode "américaine" de Nicolas Sarkozy: "Le Président français agit par coups médiatiques, à la manière du 'breaking news'. Un peu comme les enfants, Sarkozy tient à être en permanence sur la scène médiatique. De façon quasi obsessionnelle."

D'obscures contreparties

Alors que Nicolas Sarkozy a déclaré que ni la France, ni l’Europe n’avaient versé de compensation financière à la Libye, Abdelrahman Chalgam, ministre libyen des Affaires étrangères, a déclaré l’inverse ce mardi: "Tout le monde a payé le fonds, y compris l'Union européenne et la France. Ils ont couvert les sommes versées aux familles et même plus." Des fonds seraient-ils venus du Qatar? "C’est aux autorités qataries de répondre", a balayé le Président français.

Saluant le rôle de son épouse dans cette négociation, Nicolas Sarkozy a donc balayé les critiques d’un revers de main: "Ce qui compte, c’est le résultat. Il y avait un problème à résoudre, nous l’avons résolu. [...] Il faut maintenant mettre du pragmatisme dans les problèmes internationaux, comme dans les problèmes nationaux." L'Elysée s'est d'ailleurs bien gardé d'évoquer le couac inattendu survenu lundi soir à Tripoli. Les avocats français des infirmières ont, en effet, reçu un coup de fil du secrétaire général de l'Elysée un tantinet pessimiste, les rappelant d'urgence à Tripoli. Jusque-là exclus des négociations, les intéressés ont peu apprécié cet appel de dernière minute, ayant le sentiment d'être les potentiels dindons de la farce si la libération des bulgares venait à échouer.

Vers une coopération franco-libyenne

La seule certitude réside dans les suites de l’affaire: la France et la Libye travailleront désormais main dans la main pour contribuer à la réintégration de Tripoli dans le "concert des nations".

Au ban de la communauté internationale depuis l’attentat de 1989, la Libye avait tout intérêt à se sortir de l’imbroglio bulgare sans avoir l’air de céder à l’Occident aux yeux de sa population. Ce qui a été habilement traité: selon Tripoli, les familles des enfants contaminés ont été indemnisées par l’Union européenne et la France, et les Bulgares n’ont pas été "libérées" mais "extradées".

En s’impliquant personnellement dans le dossier des infirmières bulgares et en y envoyant son épouse, Nicolas Sarkozy a adressé un message fort au Président libyen. Symboliquement, négocier directement avec un chef d’Etat plutôt qu’avec un appareil bureaucratique a redoré le blason du colonel Kadhafi et "normalisé" ses relations avec l’Occident. Normalisation opportune pour Paris.

En effet, la Libye pourrait, avec l’Algérie, se retrouver au centre de l’Union méditerranéenne chère à Nicolas Sarkozy. Dans ce pays longtemps isolé par un embargo des Etats-Unis (de 1986 à 1999), les opportunités pour la France sont nombreuses tant au niveau des chantiers qui s’annoncent (infrastructures portuaires et routières) que de la coopération industrielle.

Lors de son déplacement à Alger, Nicolas Sarkozy a esquissé les lignes d’une coopération franco-maghrébine: vente d’armes et de savoir-faire en matière de nucléaire civil. La Libye pourrait en bénéficier, ce que dénonce l’association Sortir du nucléaire. Nicolas Sarkozy a assuré qu’aucun "troc nucléaire" n’avait été abordé avec le colonel Kadhafi. Son déplacement, prévu mercredi à Tripoli, pourrait éclairer la situation: le Président y abordera les principaux objectifs de la coopération entre les deux pays.

Publié dans Actualités

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article