Les dessous des vacances de Nicolas Sarkozy 1/2
Depuis quinze jours, on avait beaucoup vu le chef de l'Etat français courir sur les sentiers, au bord du lac Winnepesaukee. On l'avait beaucoup entendu aussi : seize communiqués présidentiels en deux semaines et une demi-douzaine de réactions lâchées aux quelques journalistes français envoyés suivre les premières vacances d'été du nouveau président. Mais l'identité des amis qui avaient loué pour environ 44000 euros la propriété de l'ex-président de Microsoft Mike App, où séjournaient les Sarkozy, était restée un quasi-secret d'Etat.
Aux Etats-Unis, la presse accréditée à la Maison Blanche suit en détail les activités du président américain, y compris pendant ses congés. En Grande-Bretagne, en Espagne ou en Allemagne, le coût des vacances du chef de gouvernement fait l'objet de communiqués. En France, le porte-parole de l'Elysée, David Martinon, interrogé sur le sujet, répétait : "Nous ne sommes pas au courant. D'ailleurs, cela relève de sa vie privée." C'est finalement le chef de l'Etat lui-même qui a fini par répondre à la fameuse question.
Quelques jours plus tôt, la presse avait remarqué, parmi le petit groupe entourant le couple présidentiel, la présence d'Agnès Cromback, présidente du joaillier Tiffany-France, et de Mathilde et Roberto Agostinelli. Mme Agostinelli, responsable de la communication de Prada-France, est une intime de Cécilia Sarkozy. Elle est aussi la belle-sœur de Pierre-Jérôme Hénin, le porte-parole adjoint de l'Elysée. C'est son mari, un banquier d'affaires qui a travaillé un temps pour la banque Lazard, que M.Sarkozy a parfois présenté comme "son ami italien" aux journalistes qui les croisaient ensemble à Wolfeboro.
Les Agostinelli vivent entre Paris et New York. Ils étaient déjà présents lors de la fête donnée au restaurant Le Fouquet's par le couple Sarkozy, le soir de l'élection présidentielle, puis lors d'un week-end au fort de Brégançon, résidence réservée aux chefs d'Etat français. Ce sont eux qui ont eu l'idée de louer la maison, dans cette petite station d'une élégance très "bostonienne". Wolfeboro est habituellement prisée par la bourgeoisie de la côte Est des Etats-Unis, qui aime y passer l'été et surtout l'hiver parce qu'on peut y skier et patiner sur les chapelets de lac qui s'étendent jusqu'à l'océan Atlantique.
"Il n'y a pas de mystère, je n'ai rien à cacher, assure le président français. Mais je trouve infernal d'avoir eu sans cesse, en face du ponton de la maison, des bateaux couverts de photographes." De fait, jamais congés d'un président de la Ve République n'auront été aussi épiés. Jamais non plus un chef de l'Etat français ne se sera autant montré. Mais tout se passe comme si Nicolas Sarkozy voulait pouvoir à la fois occuper l'espace médiatique lorsqu'il le juge nécessaire et, lorsque cela lui convient, cacher son mode de vie à la curiosité de l'opinion.
Ce n'est qu'incidemment que les photographes américains ont donc saisi, sans d'ailleurs l'identifier tout de suite, la ministre de la justice, Rachida Dati, sur le bateau emmenant les Sarkozy et leurs amis en balade sur le lac – confirmant ainsi les relations privilégiées que la garde des sceaux entretient avec le couple. On avait également signalé la présence d'Henri Proglio, PDG de Veolia, mais c'était une erreur. Le patron de l'entreprise de services aux collectivités a dû publier un communiqué pour démentir sa présence.
C'est aussi pour tenter de préserver le relatif anonymat de ses amis que le président français a piqué une grosse colère, le 5 août, contre les photographes qui le "shootaient". Et eu ce geste inimaginable aux Etats-Unis pour un chef de l'Etat : bondir sur le bateau des journalistes – qui n'étaient pas des paparazzis – pour se saisir un moment de leurs appareils.
Avant de s'évanouir avec la torpeur du mois d'août, le sujet du financement des vacances présidentielles a pourtant suscité, en France, un début de polémique. L'ancien porte-parole de Ségolène Royal, Arnaud Montebourg, a dénoncé ce séjour payé par "des amis millionnaires" et rappelé que "le président doit se situer au-delà des intérêts privés". Le député René Dosière (apparenté socialiste), auteur d'un rapport sur le budget de l'Elysée, a pour sa part suggéré de vendre la résidence d'Etat de Brégançon : "Il n'y a pas besoin d'un lieu de villégiature si le président va ailleurs!"