Airbus A380 : les dix-huit mois fatidiques

Publié le par titof

Le trou noir. Que s'est-il passé entre l'automne 2004 et l'été 2006 chez Airbus et sa maison mère, le groupe EADS ? Qui connaissait la réalité des difficultés de fabrication de l'avion géant A380 avant la révélation des retards de ce programme le 13 juin 2006 ? La commission des finances de l'Assemblée nationale va tenter d'éclaircir ces zones d'ombre en auditionnant, jeudi 25 octobre, Arnaud Lagardère, le patron du groupe homonyme qui détenait 15 % d'EADS au moment des faits. Dominique Strauss-Kahn, à Bercy lors de la création du groupe en 1999, sera entendu vendredi, Dominique de Villepin, à Matignon entre 2005 et 2007, devant être auditionné lundi au Sénat.

Depuis plusieurs mois, l'Autorité des marchés financiers (AMF) et la justice enquêtent pour savoir si des dirigeants comme Noël Forgeard, alors coprésident d'EADS, ont commis un délit d'initié en vendant leurs stock-options en mars 2006. A ce jour, 1 200 ventes ont été jugées suspectes, même si l'AMF a décidé de se concentrer sur 21 hauts dirigeants du groupe. Les investigations concernent aussi les actionnaires privés, Lagardère (par ailleurs actionnaire du Monde) et DaimlerChrysler, qui ont chacun cédé 7,5 % du capital d'EADS en avril 2006. Dans Le Figaro du 24 octobre, Noël Forgeard se défend de tout délit d'initié. Il assure qu'en mars 2006 "quand beaucoup de cadres ont exercé leurs stock-options, les rapports ne faisaient état d'aucune perte de livraison en 2006 et 2007".

Toute cette histoire se déroule dans une ambiance délétère, dès 2004, sur fond de bataille de pouvoir franco-française entre Noël Forgeard, alors patron d'Airbus, et Philippe Camus, coprésident d'EADS. S'y ajoute l'affaire Clearstream, à l'origine de laquelle se trouve notamment Jean-Louis Gergorin, alors vice-président du groupe. La défiance des Allemands envers les Français s'est alors renforcée, comme leur influence à l'intérieur du groupe.

Les premières interrogations remontent à l'automne 2004. "Dès l'assemblage du troisième avion, nous avons compris qu'il y avait un problème de câblage", se souvient l'un des responsables de l'époque. Les tronçons défectueux viennent de l'usine d'Hambourg, mais des mesures sont décidées pour les corriger.

Quand il quitte la présidence d'Airbus pour celle d'EADS, à l'été 2005, Noël Forgeard laisse à son successeur, Gustav Humbert, une série de consignes. Ce point ne figure pas parmi les priorités, le problème étant jugé sous contrôle. A l'époque, l'objectif annoncé aux marchés est de livrer 2 avions en 2006 et 24 en 2007. En interne, l'optimisme prévaut : le but est d'assembler 31 appareils A380 en 2007...

1er juin 2005. Un clignotant s'allume. Après avoir estimé en mai "possible, voire probable", un retard, l'avionneur reconnaît un décalage de livraison de six mois. Il est mis sur le compte d'un retard inhérent à tout nouveau programme aéronautique et n'inquiète pas trop. Singapore Airlines se résout à ce décalage. La compagnie est loin d'imaginer qu'au final le retard avoisinera les deux ans, son premier A380 ayant été livré le 15 octobre 2007...

Durant l'été 2005, les actionnaires privés accélèrent leur réflexion sur un désengagement partiel. Arnaud Lagardère qui détient 15 % d'EADS, soit le même niveau que l'Etat, souhaite depuis longtemps se recentrer sur les médias et le sport. Quant à DaimlerChrysler, détenteur de 30 % du capital, la crise de son activité automobile l'oblige à trouver des liquidités. Or, les trois fondateurs (côté français, l'Etat et Lagardère, côté allemand, DaimlerChrysler) sont liés par un pacte d'actionnaires reposant sur la parité franco-allemande. Toute baisse doit être simultanée.

31 août. Les deux coprésidents du conseil d'administration d'EADS, Arnaud Lagardère et Manfred Bischoff, s'accordent sur une diminution de leur participation. DaimlerChrysler veut céder 15 % du capital, mais Lagardère ne veut pas vendre plus de 7,5 % au risque sinon de perdre ses droits. Il faudrait donc que l'Etat accepte de réduire sa participation de moitié, ce qui est inenvisageable pour des raisons stratégiques.

28 novembre. L'opération de désengagement partiel des actionnaires est présentée au ministre de l'économie, Thierry Breton. Elle n'est pas lancée immédiatement pour des raisons techniques. Pendant ce temps, chez Airbus, les conditions de fabrication de l'A380 deviennent de plus en plus floues.

Janvier 2006. L'objectif de livrer 31 avions en 2007 est ramené à 29.

24 février. Les délais d'assemblage passent de quatre à quatorze semaines, mais, se souvient un responsable, on nous assure que "les bouchées doubles vont être mises, et que le problème d'Hambourg sera résolu".

28 février. Une étude interne chez Airbus relativisant l'impact financier de retards éventuel est présentée aux principaux dirigeants d'EADS. Trois scénarios ont été élaborés, portant sur 20, 15 ou 10 livraisons d'A380 en 2007 au lieu des 24 annoncées. Dans chaque cas, le surcoût sur trois ans n'a qu'un faible impact sur les bénéfices du groupe.

6 mars. Une réunion interne chez Airbus ramène de 29 à 24 la prévision du nombre d'avions livrés.

7 mars. Ces questions ne sont pas abordées au conseil d'EADS. Ce jour-là, Hans-Peter Ring, directeur financier, autorise Noël Forgeard à céder ses stock-options.

8 mars. Après avoir été informé en janvier, Matignon donne son accord au désengagement partiel de Lagardère et DaimlerChrysler. Lors d'une rencontre à la mi-mars, la chancelière allemande, Angela Merkel, et le président français, Jacques Chirac, approuvent l'opération.

20 mars. Arnaud Lagardère et Manfred Bischoff informent les deux coprésidents exécutifs, Tom Enders et Noël Forgeard, de la vente à venir. L'action culmine à 35,13 euros le 24 mars. Fin mars, les prévisions de livraisons d'A380 inscrites dans les documents d'EADS sont inchangées : 2 en 2006 et 25 en 2007.

4 avril. Lagardère et DaimlerChrysler vendent tous deux 7,5 % du capital d'EADS. Trois jours plus tard, un autre actionnaire historique d'Airbus, le britannique BAE Systems, décide de céder à EADS les 20 % qu'il a dans l'avionneur.

11 avril. Lors d'une réunion, Gustav Humbert reconnaît des retards et évoque 17 à 20 appareils livrés. Les dirigeants d'EADS demandent des précisions.

12 mai. Au cours d'un comité d'audit d'EADS le chiffre est encore revu à la baisse. Le patron d'Airbus évoque désormais 13 avions... Toutefois, cette réduction de moitié n'aurait aucun impact sur les résultats 2006, le manque à gagner étant compensé par l'envolée des commandes des autres modèles. Des divergences surgissent entre administrateurs français et allemands sur la nécessité ou non de faire des provisions liées aux surcoûts en cas de retards. Manfred Bischoff estime prématuré de changer les prévisions, faute d'informations disponibles. Il recommande de reporter la décision à la publication des résultats du premier semestre.

23 mai. Lors d'une réunion, le différend est le même sur la nécessité d'informer les marchés, les Français y étant favorables.

29 mai. Les administrateurs se mettent d'accord "sur le principe de communiquer". Mais sur combien d'avions ? "C'était la bouteille à l'encre", raconte l'un d'entre eux, personne n'étant capable de quantifier les retards. Ils demandent une clarification à partir du rapport du cabinet McKinsey, chargé d'une étude chez Airbus depuis le début de l'année.

13 juin. La réponse tombe : Airbus ne pourra livrer que 9 A380 en 2007 contre 25, en raison des problèmes à Hambourg. A la Bourse, le lendemain, l'action EADS chute de 26,32 %, à 18,73 euros, entraînant le 2 juillet la démission de Noël Forgeard et de Gustav Humbert et, très vite, des soupçons de délits d'initiés.

3 octobre. La nouvelle équipe reconnaît qu'elle ne livrera qu'un seul avion en 2007. Le report du calendrier coûte 4,8 milliards d'euros et oblige la mise en place d'un plan de restructuration chez Airbus, nommé "Power 8", qui prévoit 10 000 suppressions d'emplois d'ici à 2010.

LE MONDE

On comprend mieux pourquoi sarko veut dépénaliser le droit des affaires, il n’a pas du tout confiance en ses « amis », pire il les couvre, alors que dans un même temps il durci le ton envers les autres délinquants… Où est la morale ?

Comment voudrait-on qu’ils redorent leurs images. Pas comme cela en tous les cas

Quand on veut faire le la politique autrement, tel qu’il nous la seriné durant toute sa campagne, et que l’on se veut président de tous les Français, ces choses ne devraient pas exister…. Mais ça c’est une autre histoire.

A bon entendeur…

Publié dans Actualité Judiciaire

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