Sarkozy veut-il enterrer les affaires ? Le scandale de l'UIMM (1)

Publié le par titof

En principe, la justice est indépendante. Il faut simplement lui donner le temps de travailler. En principe. Mais en réalité ? Une observation fouillée de l'évolution de trois dossiers – le scandale de l'UIMM, le cas Laporte et l'appartement de Neuilly du couple Sarkozy - provoque un certain malaise. Et si l'Etat pouvait encore peser de façon détournée sur l'élucidation de certaines affaires ?

Prenons le scandale de l'UIMM. En apparence, la justice suit son cours. Des perquisitions chez des proches de Denis Gautier Sauvagnac ont même été organisées à la fin du mois d'octobre. En attendant, Denis Gautier-Sauvagnac se moque de l'investigation. Il reconnaît l'existence d'une caisse noire de 600 millions d'euros provenant de cotisations de centaines d'entreprises. Il ironise sur l'usage de ces fonds, utile pour «fluidifier» les relations sociales. Mais il peut faire la nique aux enquêteurs : non il ne donnera pas un seul nom de responsable politique ou syndical qui aurait été un «vecteur» de cette fluidification bien nommée. Ils n'ont qu'à chercher.

Certes, mais les investigateurs en ont-ils les moyens ? Cela fait maintenant six semaines que le scandale a éclaté, et la Justice en reste au stade de l'enquête préliminaire. Nous avons pourtant affaire au plus gros scandale de la République depuis trente ans. Si ce qui se dit dans Paris est exact concernant la corruption des élus et des syndicalistes, le scandale de l'UIMM est plus important que le dossier Urba ou celui de la Mairie de Paris. Il ne s'agit plus de dérapages ou de dérives de quelques responsables qui se seraient laissés «tenter». Telle qu'on en discerne les contours, le scandale de l'UIMM tend à démontrer l'existence d'un simulacre de vie sociale et démocratique : des négociations biaisées, des lois votées par la corruption des élus et des négociateurs syndicaux.

Une enquête confinée ?

Le confinement de l'enquête au stade préliminaire est bien pratique : le grand public a l'impression que l'enquête se poursuit, de façon même spectaculaire.

Mais en réalité, le statut d'enquête préliminaire ne permet pas aux enquêteurs de disposer des moyens habituels d'investigation. D'abord, le Parquet, maître de l'enquête, est lié au pouvoir politique. Ensuite, aucune des parties n'a accès au dossier. Enfin, l'enquête préliminaire n'autorise ni mise en examen ni investigation complexe, comme les commissions rogatoires internationales par exemple.
Du coup, on en vient à se demander ce que signifie cette langueur judiciaire. Et l'on se dit que personne n'a intérêt à ce que l'enquête aille jusqu'au bout. Le patronat tout d'abord. Laurence Parisot a fait sourire – et grincer quelques dents – en faisant mine de découvrir l'affaire, puis en évoquant des «secrets de famille» que beaucoup savaient «inconsciemment». Sarkozy et le gouvernement ? Le Medef ne compte pas parmi ses ennemis. Et surtout, la poursuite de l'enquête pourrait poser des questions sur
le comportement des ministres de l'économie. Le dossier publié par l'Express cette semaine cite le cas de Thierry Breton. Mais ignore curieusement, celui de Nicolas Sarkozy, ministre des Finances en 2004 et dont le cabinet a forcément dû entendre parler de l'investigation de Tracfin, ce service de l'administration affecté au blanchiment de l'argent. Pourquoi ne pas avoir donné le feu vert à ses enquêteurs qui, constatant depuis 2000 les mouvements douteux sur le compte de l'UIMM, souhaitaient transmettre le dossier à la Justice ?

À n'en pas douter, les députés de la majorité seront, sur ce dossier, sur la ligne de l'Elysée : la poursuite de l'investigation remontera forcément sur des députés UMP qui ont porté des projets de loi ou des amendements de l'UIMM. À voir la façon dont certains se récrient déjà, affirmant qu'ils faisaient voter ces dispositions «pour rien» (quel incroyable aveu!), on se dit que l'on pourrait bien apprendre bien des choses sur la démocratie française.

L'opposition aurait-elle davantage intérêt à de nouvelles avancées de l'enquête ? On en doute. On tend désespérément l'oreille pour entendre les déclarations de députés de gauche sur le sujet. Pas un mot, par exemple, dans la grande interview d'Arnaud Montebourg accordée au Point pour «cogner Sarkozy». Au cours des derniers jours, seuls Alain Vidales et Gérad Filoche se sont exprimés sur le sujet…

Les syndicalistes ont encore moins intérêt à voir leurs représentants épinglés dans des tractations secrètes effectuées à l'insu de leurs mandants. L'image, déjà médiocre, de leurs organisations, n'y survivrait pas.

Reste les journalistes. En théorie, les médias auraient tout intérêt à jouer leur rôle dans cette affaire : ils retrouveraient une image d'indépendance et «vendraient du papier». C'est peut-être pour cette raison que, du côté de l'UIMM, on a fait passer le message à certains journalistes : attention, nous pourrions aussi sortir des dossiers concernant certains d'entre vous. À bon entendeur… Il est vrai que, sur ce dossier, les journalistes en charge de la rubrique sociale n'ont guère montré leurs capacités à enquêter sur le dossier...
Bref, si, d'aventure, le Président ne souhaitait pas mettre en difficulté ses amis du Medef et surtout revenir sur sa propre attitude lorsqu'il était Ministre des Finances, on se demande bien qui pourrait l'interpeller ou le mettre en difficulté.

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