Montebourg cogne sur Sarko – 2/2

Publié le par titof

Comment, au PS, juge-t-on le rôle de Bernard Kouchner ?

Bernard Kouchner est un soutien de longue date des bellicistes américains, qui a trouvé au Quai d’Orsay son terrain d’entraînement. Il est le seul qui, contre l’avis de tout le parti socialiste, avait approuvé l’invasion de l’Irak par les Etats-Unis. Mais, de façon moins anecdotique, Nicolas Sarkozy nous emmène dans une aventure qu’il ne maîtrise pas. Il se transforme en soutien d’intérêts qui ne sont pas les nôtres, dans une glissade dont on ne sait pas où elle s’arrêtera. Au moment où l’Espagne, l’Italie et l’Angleterre se sont retirées du processus d’adhésion aux excès du bushisme, la France aurait-elle décidé de se jeter dans la marmite bouillante des faucons américains ?

Passons à l’économie. Quel bilan faites-vous des premières mesures du gouvernement ?

Celui d’une incroyable incompétence économique et financière. Voilà une équipe qui a fait de l’endettement du pays l’un des thèmes centraux de sa campagne, mais quel est son premier geste une fois au pouvoir ? Jeter par les fenêtres 15 milliards d’euros (100 milliards de francs) avec le paquet fiscal de l’été, alors que nous avons un déficit de 41 milliards. Et pourquoi ? Pour satisfaire des intérêts corporatistes et électoraux. Deux mois plus tard, le Premier ministre déclare le pays en faillite... Les auteurs de la faillite sont ceux qui gaspillent l’argent public pour ensuite la faire payer par les classes moyennes et populaires, c’est-à-dire le plus grand nombre. Semaine après semaine, nous interrogeons le ministre des comptes public pour qu’il promette de ne pas augmenter la TVA, la CSG et la CRDS. En réponse, il esquive et regarde ses chaussures.

Ces augmentations sont inéluctables à vos yeux ?

Evidemment. Au PS, nous pensons qu’elles auront lieu entre les municipales et la présidence française de l’Union Européenne, en juin prochain, afin de présenter une meilleure crédibilité devant nos partenaires européens. Je n’ai aucun doute sur la hausse de la TVA et de la CRDS puisque les comptes sociaux sont dans un état d’alerte maximale. Je rappelle que le bouclier fiscal a concerné 2398 contribuables. Le gouvernement leur a restitué la somme de 120 millions d’euros, l’équivalent de 100 000 SMIC de remise fiscale ! Cela n’a aucune utilité dans cette période de déséquilibre dramatique des comptes publics. Je crains que la nation ne paie très cher une telle incompétence.

L’utilité, c’est renforcer le pouvoir d’achat ?

Le gouvernement ne traite pas sérieusement la question. Durant la campagne électorale, le candidat de l’UMP défendait la valeur du travail sans jamais s’intéresser à son prix, qui est sa véritable valeur, c’est-à-dire les salaires. Si vous voulez revaloriser le travail, il faut augmenter les salaires, tout en évitant d’exposer les entreprises les plus engagées dans la compétition internationale. Or, que fait-on ? On gèle les salaires et on propose des heures supplémentaires défiscalisées qui ne concerneront pas des millions de salariés, comme ceux qui ont des accords d’annualisation du travail ou ceux qui sont en temps partiel et qui voudraient travailler à temps plein.

Pourtant travailler plus pour gagner plus, c’est bon pour l’économie et le pouvoir d’achat, non ?

Non, c’était un leurre, et de haute voltige ! Je crains que cela n’ait produit une espérance de pouvoir d’achat sans aucun lendemain. Pendant ce temps, les prix des denrées alimentaires, de l’énergie et du logement explosent. Aujourd’hui deux petits salaires ne permettent plus à une famille de vivre.

Vous exagérez !

Nullement. Je suis l’élu d’une région agricole et industrielle (la Bresse, NDLR), où l’on vit avec de tout petits revenus. Les employés, les ouvriers, les cadres moyens, les retraités, tous ceux-là sont asséchés. Au 15 du mois, certains me disent : « Comment je fais pour finir ? ».

La réforme des régimes spéciaux ne vous paraît-elle pas aller dans la bonne voie ?

Mais les régimes spéciaux ne concernent que 5% des retraités ! Il reste donc 95% du problème à traiter. Cette réforme est utilisée comme une sorte de chiffon rouge. Elle n’est en rien le remède aux problèmes de financement qui nous attendent. Je rappelle que le déficit du régime général atteint près de 3 milliards d’euros cette année !

Leur réforme est pourtant nécessaire, non ?

Bien sûr. Le PS est favorable à l’évolution, mais dans une négociation générale et décloisonnée. Que fait-on des millions de salariés qui travaillent pendant trente ans à la chaîne, debout, dans le froid, la nuit ? Pour eux, il n’est pas injustifié au regard de l’inégalité devant l’espérance de vie dont ils sont victimes que la pénibilité des taches leur donne droit à une nouvelle forme de solidarité nationale à travers le maintient de la retraite à 60 ans. Ils ont écouté les promesses du candidat Sarkozy, qui s’est mis à prononcer pour la première fois de sa vie le beau mot de travailleur dans sa campagne électorale. Mais ils ne voient rien venir.

En gros, vous rejetez tout. N’êtes-vous pas systématiquement négatif ?

Certes, les annonces du Grenelle de l’environnement sont très positives, même si elles ne sont pas encore financées. Pour le reste, je cherche les initiatives intelligentes. Nous avons soutenu la déduction fiscale pour les investissements dans les PME, car c’est une très bonne mesure. Mais elle est infinitésimale dans l’océan de cadeaux improductifs accordés à des situations de rentes patrimoniales.

L’ouverture ?

C’est un bric-à-brac politicien qui s’appuie sur la faiblesse humaine. Nicolas Sarkozy veut faire valider ses dérives par des personnes dont l’apparence pourrait faire penser qu’elles peuvent porter des convictions de gauche.

Aucune personnalité d’ouverture ne trouve grâce à vos yeux ?

Non. Elles sont surtout au service d’elles-mêmes. Elles ne peuvent pas porter des convictions contrecarrées chaque jour par les décisions gouvernementales.

Même Fadela Amara ?

Fadela Amara a désapprouvé des choix qui ont néanmoins été entérinés, comme les tests ADN. C’est donc qu’elle ne joue aucun rôle. Elle n’est là que pour servir un tout autre but que la satisfaction des convictions qu’elle prétend défendre. Que fait-elle encore au gouvernement ? Même chose pour Martin Hirsch : il a désapprouvé les franchises médicales, puis il les a avalées. Ce sont donc des élevages entiers de couleuvres que tous ces gens vont devoir ingurgiter, au nom du plaisir insigne et égoïste qu’ils ont à être dans l’apparence du pouvoir. Mais le pouvoir, ce n’est pas eux qui l’ont.

Les ministres d’ouverture désavouent par leur action le PS, qu’ils jugent incapables de réformer la société. Comment le rendre à nouveau attractif ?

Nicolas Sarkozy est fort de nos faiblesses. Je suis très malheureux que le PS ait décidé de débrancher son propre cerveau. Il est en électro-encéphalogramme plat, sous prétexte que des élections municipales arrivent et qu’il ne faut pas nous remettre en question.

Pour cela, ne faudrait-il pas un nouveau leader au PS ?

Ne mettons pas la charrue devant les bœufs. Tout chef qui s’avancera sur ces ruines ne sera que le chef des ruines. Si on continue nos combats de gladiateurs, on arrivera encore une fois en miettes à l’échéance de 2012. Je préconise donc de mettre au pot nos idées et de commencer à contre-proposer. Nous avons commencé à le faire dans le groupe parlementaire, qui, fort heureusement, est à l’abri des mauvaises influences du parti.

Le Premier secrétaire élu en 2008 sera-t-il le candidat de 2012 ?

Non. Ce sera avant tout un reconstructeur du parti, entouré d’un collectif. Le temps des reconstructeurs est venu. L’opposition, nous la commençons dans vos colonnes.

Publié dans Discours et interviews

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