Qui a tué Benazir Bhutto ?

Publié le par titof

D’abord, il nous faut nous souvenir à quel point l’assassinat de Benazir Bhutto, ancienne Premier Ministre du Pakistan à deux reprises et qui aurait du, très vraissemblablement, remporter les élections le 8 janvier prochain est une chose grave pour ca pays, et donc pour la sécurité de la région et du monde.

Le Pakistan est une poudrière. Les Anglais, qui ont dominé cette région en même temps que l’Inde, ont, comme en d’autres endroits maintenu leur pouvoir en poopsant les forces en présence, et en particulier les Musulmans et les Hindous. Lorsqu’ils ont été contraints de partir, ils ont créé deux Etats, l’Inde et le Pakistan, pour les deux religions. La séparation fut brutale : les milliers de morts dans des affrontements interreligieux, des centaines de milliers de personnes déplacées de force, dans les deux sens.

Ces deux pays sont aujourd’hui à couteaux tirés, avec des incidents frontalers réguliers et un affrontement très net sur la domination d’une troisième région, le Cachemire, également convoité par les Chinois. Les incidents frontaliers sont quasiment quotidiens, la guerre a été frôlée à plusirus reprises, et les deux pays se sont dotés chacun de l’arme nucléaire pour tenter de prévenir cet affrontement.

Sur son autre frontière, le Pakistan rejoint l’Afghanistan par une région extrêmement montagneuse, refuge des Talibans et autres suppots d’al Qaïda qui s’y sont réfugiés et mènent aujourd’hui une guerrilla efficace contre les Américains et leurs alliés, y compris les Français. De très nombreux Talibans se sont réfugiés au Pakistan.

Cette poudrière est dirigée par un général pustchiste, Pervez Musharraf, qui a pris le pouvoir il y a huit ans et louvoie entre son armée (un Etat dans l’Etat), sa frange islamiste radicale et ses alliances internationales.

C’est dans ce pays qu’à eu lieu l’acte qui provoquera la plus grande instabilité jamais connue dans cette région.

Qui en est responsable ? Pas facile de le dire. Benazir Bhutto, sans doute proche de milieux affairistes voire corrompus, était aussi une icône et un symbole. Femme, laïque, civile, démocrate, courageuse, elle avait dirigée son pays à deux reprises avant d’en être chassée à chaque fois par des manoeuvres frôlant le putsch. A cet égard, la piste islamiste peut être envisagée.

Mais c’était aussi une ennemie acharnée de Musharraf, qui avait tenté de la faire condamner pour corruption. Seules les pressions américaines, devant la quasi inéluctabilité de la prochaine défaite de Musharaf, avaient contraint le dictateur à accepter son retour et à envisager de partager le pouvoir avec elle.

La précipitation avec la quelle le gouvernement a accusé al Qaïda, la stupidité de la "preuve" avancée (le chef d’al Qaïda qui aurait téléphoné à ses subordonnés pour les féliciter ! Si les terroristes d’Al Qaïda étaient aussi imprudents, il y a longtemps qu’ils seraient tous arrêtés ou assassinés !), les virulentes dénégation d’Al Qaïda (certes, ils ont intérêt à favoriser encore plus l’instabilité, mais leur argument est probant), celles du parti deBenazir Bhutto, la méthode inédite de cet assassinat (les coups de feu avant l’explosion de la bombe), tout ceci laisse très interrogatif.

En fait, il est au moins certain que Musharraf est coupable au minimum de négligence criminelle dans la non protection de son opposante, et probable qu’il est plus mouillé qu’on ne le dit.

Mais, au delà de cette responsabilité personnelle, la responsabilité occidentale est écrasante et ne doit pas être cachée. Qui a créé ces deux Etats rivaux et antagonistes ? Qui a soutenu et armé les fondamentalistes pour planter une épine dans la talon des soviétiques ? Qui a soutenu Musharaf pour bénéficier d’une base arrière dans la lutte contre ces mêmes terroristes ? Ces questions lancinantes ne peuvent pas passer ainsi. Les Etats-Unis, les Occidentaux ne cessent de répéter la même erreur, au nom d’une prétendue "real-politic", ils s’appuient sur des dictateurs tous plus corrompus les uns que les autres. Ils créent des haines éternelles pour tenter de diviser leurs victimes. Ils ferment les yeux sur les plus atroces barbaries quand elles protègent les gazoducs (génocide des Tchétchènes). Ils donnent des gages d’amitié aux régimes inacceptables (jeux olympiques en Chine...) Et ils ne cessent ensuite de devoir combattre les monstres qu’ils ont eux mêmes engendrés.

Alors, la real-politic, aujourd’hui, ne serait-ce pas tout simplement de changer complètement de politique, de revenir réellement à une diplomatie fondée sur les droits de l’homme et d’enrayer cet infernal cercle de violence ?

Raphaël Anglade

Publié dans Actualités

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