Profs : le tour de passe-passe de l’Etat

Publié le par titof

Education. Les salaires des débutants seraient revalorisés, mais le stage payé disparaîtrait.

Dès 2010, pour devenir enseignant, il faudra décrocher un master (un bac + 5 ), et non plus une licence (bac + 3 ) : telle est la grande réforme que Nicolas Sarkozy va annoncer aujourd’hui. Elle devrait recevoir un accueil mitigé de la communauté enseignante. D’un côté, elle induit une revalorisation et donc une hausse des rémunérations. Mais d’un autre côté, elle supprime l’année rémunérée de stage dont tout futur enseignant bénéficiait et menace la survie des IUFM (Instituts universitaires de formation des maîtres), considérés comme des hauts lieux du «pédagogisme».

Tout en supprimant allègrement des postes - 11 200 à la rentrée prochaine, au moins autant les trois années qui vont suivre -, le président aime répéter qu’il a un grand respect pour les enseignants et qu’ils sont vraiment trop mal payés. Il s’est dit choqué du fait qu’en début de carrière, et malgré tous ses diplômes, un professeur touche 1,3 fois le Smic. En décidant d’exiger désormais un niveau master, le chef de l’Etat résout le problème : le prof débutant va automatiquement gagner plus. Dans le même temps, l’Etat fait des économies, ce qui est toujours appréciable en ces temps de réduction de la dépense publique.

Nerf. Actuellement après un bac + 3, l’étudiant a un an pour préparer le concours de professeur des écoles pour le primaire et le Capes pour le secondaire - pour l’agrégation, il lui faut un bac + 4. Reçu, il effectue ensuite une année de formation professionnelle dans un IUFM. Payé par l’Etat, il fait des stages «en responsabilité», seul dans une classe, des remplacements ou des stages d’observation avec un enseignant confirmé. C’est désormais supprimé. Selon le syndicat d’enseignants du primaire SE-Unsa,«l’économie budgétaire» est le nerf de la réforme. Elle aura en effet pour conséquence de supprimer «24 000 postes de fonctionnaires stagiaires», dont 11 000 dans le primaire, le reste dans le secondaire. La revalorisation annoncée ne profitera en outre qu’aux enseignants qui sortiront des nouveaux masters mis en place en 2010, et elle «laissera de côté les 800 000 enseignants» actuels.

Tout en se félicitant de la hausse annoncée des salaires des débutants, la plupart des syndicats s’inquiètent de deux choses : le peu de place laissé à la formation purement professionnelle dans le cadre d’un master, et le retrait annoncé des IUFM. «Si on abandonne la formation des enseignants à des universités autonomes, le ministère de l’Education sera ravalé à un rôle de simple agent recruteur», regrette le SE-Unsa. Le Snuipp, majoritaire dans le primaire, accuse l’Etat de «vouloir se désinvestir».

Parachuté. Le sort des IUFM sera un point particulièrement sensible. «A terme, ils vont disparaître» , explique-t-on tranquillement à l’Elysée alors que le ministre de l’Education Xavier Darcos s’évertue à entretenir l’incertitude. Les IUFM semblent bien condamnés. Ils ont été créés en 1989 pour introduire davantage de professionnalisation dans une formation jugée trop centrée sur les disciplines, alors que le métier devient de plus en plus difficile. Mais ils ont toujours été contestés, notamment par les «déclinologues» les jugeant responsables de la baisse générale de niveau à cause d’une pédagogie trop laxiste. Ils ont commencé à être intégrés aux universités en 2006. «Ils devraient s’y fondre», tranche l’Elysée. Il reste encore deux ans pour peaufiner la nouvelle formation. Les ministères de l’Education et de l’Enseignement supérieur y travaillent.

Mais, à l’Elysée, on a là encore quelques idées. Il n’est pas question de supprimer les concours - la rumeur qui courait a suffi à susciter une levée de boucliers. Mais ils auront désormais lieu à la fin de la formation, la deuxième année de master. «On pourrait imaginer qu’ils soient organisés en deux parties : une première théorique en janvier, une seconde en juin, après un stage, explique-t-on à l’Elysée, mais le travail technique commence seulement.» Quoi qu’il en soit, après le master le jeune prof se retrouverait parachuté sur le terrain, vaguement encadré. Tous les syndicats réclament un débat, exaspérés d’être encore une fois mis devant le fait accompli. A l’Elysée, on veut bien mais pas «d’un droit de veto que certains syndicats voudraient s’arroger».

Publié dans Actualités

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article