APRES L'INCIDENT AU TRICASTIN

Publié le par titof

"La sûreté nucléaire irréprochable est un mythe"

Anne-Sophie Hojlo - Après la découverte d'uranium dans les nappes phréatiques situées près du Tricastin, Jean-Louis Borloo réclame une inspection immédiate de toutes nappes à proximité de centrales nucléaires. Êtes-vous satisfaits de cette annonce ?

Stéphane Lhomme - Oui et non. C'est nous-mêmes qui lui avons fait cette demande il y a deux jours. Mais un contrôle autour des seules centrales n'est pas suffisant : il faut l'étendre à toutes les installations et les usines nucléaires. Evidemment, les centrales sont potentiellement extrêmement dangereuses, mais les accidents sont rarissimes. En revanche, les usines sont davantage susceptibles de produire des contaminations. D'ailleurs, au Tricastin, l'incident s'est déroulé dans l'usine Socatri.

Ensuite, il ne faut pas se contenter de contrôler les nappes phréatiques. Il y a également des rejets gazeux autour des centrales, qui se retrouvent dans les végétaux.

Enfin, nous demandons que ces contrôles soient effectués par un organisme indépendant, la Commission de Recherche et d'Information Indépendante sur la Radioactivité (CRIIRAD), ou une entité étrangère, et non par un organisme émanant de l'Etat.

Pour l'instant, ce n'est qu'une annonce verbale du ministre, et on peut même se demander si ce n'est pas un contre-feu pour calmer les esprits.

Anne-Sophie Hojlo - La CRIIRAD suspecte des déchets issus d'une ancienne usine militaire d'enrichissement d'uranium, fonctionnant au Tricastin de 1964 à 1996. Qu'en pensez-vous ? Que risquent les riverains ?

Stéphane Lhomme - Ils ont raison de pointer ce stockage anormal : c'est une source possible de contamination. Mais pour autant, il ne faut pas disculper l'industrie nucléaire elle-même. Il y a effectivement à la fois le problème des fuites et celui des déchets. On voit des choses incroyables : à Cadarache, dans les Bouches-du-Rhône, on stocke du plutonium en pleine terre.

La population près du Tricastin court un risque en buvant de l'eau contenant de l'uranium, ou en se baignant dedans. Dans ces deux cas, les particules se fixent dans l'organisme. Cette contamination est finalement plus dangereuse qu'une irradiation, car les particules atteignent directement les cellules, même si elles sont peu radioactives. On déclare un cancer quasiment à coup sûr, même si c'est 10, 15 ou 20 ans plus tard.

Anne-Sophie Hojlo - Le Tricastin est le deuxième site industriel nucléaire français le plus important. Comment expliquer que le rapport de l'Autorité de Sûreté Nucléaire après son inspection du 12 juillet demande à la Socatri "d'achever le confinement complet du local" et de "combler sans délai tout orifice" de la paroi de la zone de stockage ?

Stéphane Lhomme - Il y a des choses anormales comme ça partout en France. La sûreté nucléaire irréprochable est un mythe. L'ASN dénonce des dysfonctionnements inacceptables très souvent. Mais elle laisse une latitude très grande dans le temps pour les réparer, et il n'y a donc jamais de suite ni de sanction d'ailleurs. Le rôle de l'ASN est surtout de rassurer, de montrer qu'il y a des contrôles, mais ils restent sans effets. Elle n'est pas là pour mettre des bâtons dans les roues à l'industrie nucléaire, mais au contraire pour la faire perdurer.

Interview de Stéphane Lhomme par Anne-Sophie Hojlo - (le jeudi 17 juillet 2008)

LA SOURCE

 

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