Analyse critique du programme UMP - 5

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Propositions de l’UMP : un volet économique et financier incohérent et coûteux

L’UMP vient de présenter un chiffrage surréaliste du coût de son projet de 2007.
Dans ce
scénario idyllique, le coût pour les finances publiques de ses principales mesures ne dépasserait pas 27 milliards d'euros d’ici 2012 et serait vertueux du triple point de vue des déficits (qui seraient diminués de quelque 1,5% du PIB en 2012), de la dette (qui serait abaissée à moins de 60% du PIB d’ici 2012) et des prélèvements fiscaux, puisque l’engagement serait pris de stabiliser voire de baisser le taux de prélèvements obligatoires sur la législature.

Ce scénario ne résiste pas à l’analyse et l’on peut s’inquiéter de voir les tenants de la « rupture » dissimuler le coût réel de leurs options et l’impasse financière dans laquelle l’application de ce programme plongerait notre pays. Le « bouclage » présenté par l’UMP n’est pas crédible pour au moins trois raisons :

1. L’évaluation des dépenses est largement sous-estimée :

Le chiffre de 27 milliards d’euros que présente l’UMP est largement minoré par rapport à la réalité puisqu’il ne recouvre (les experts de l’UMP le reconnaissent eux-mêmes) qu’une dizaine de mesures qualifiées d’ « emblématiques » alors que le projet compte plus de 577 propositions dont un tiers au moins (180 d’entre elles) pèseraient directement sur les finances publiques.

Or dès que l’on approfondit le chiffrage, les chiffres s’alourdissent. Les experts indépendants de « l’Institut de l’Entreprise » (www.debat2007.fr), proche du patronat, viennent d’en réévaluer le coût à près de 40 milliards (39,2 milliards) sur la base des 20 premières mesures !

Pour notre part, nous estimons que le coût global du projet UMP présenterait un impact d’ici 2012 d’au moins 75 milliards d’euros en dépenses brutes et de 53 milliards d’euros en dépenses nettes, une fois déduites les « économies » promises par l’application d’une norme de dépenses de 1,8% par an en volume sur les dépenses de l’Etat[1]. C’est près de deux fois le coût net du projet du parti socialiste, qui s’élève à 30,7 milliards d’euros. Cela n’a rien d’étonnant : à vouloir promettre tout et son contraire, l’addition s’envole.

En dépit du brevet permanent de bonne gestion qu’elle s’octroie, l’UMP se révèle une nouvelle fois fâchée avec la macro-économie et l’équilibre des finances publiques, l’échec de la législature en cours ne l’ayant en rien rendue plus prudente pour l’avenir.

2. Ce projet triche sur son financement.

Il repose à la fois sur une croissance moyenne au moins égale à 2,25% pour la prochaine législature - ce que la droite n’a jamais réalisé depuis 20 ans, contrairement à la gauche - et sur une très forte compression des dépenses de l’Etat et des dépenses sociales et locales. Une réduction en contradiction avec les résultats de son action et dont le projet UMP se garde bien de livrer les modalités.

Par ailleurs, la structure des prélèvements obligatoires que propose l’UMP, marquée par une très forte réduction des rendements de l’impôt sur les sociétés et de la taxe professionnelle, rend difficilement imaginable qu’une croissance annuelle de 2,25% en moyenne puisse dégager beaucoup plus que 30 milliards d’euros de recettes supplémentaires sur la période.

Dès lors, et pour ne prendre qu’un seul exemple, il faudrait une compression des dépenses publiques de près de 40 milliards d’euros d’ici 2012 et d’au moins 20 milliards d’euros sur les seules dépenses de l’Etat[2] pour financer ce projet sans dégradation du solde [3] !

Le projet UMP ne dit rien sur les postes budgétaires sur lesquels il pourrait obtenir des économies, ni sur l’objectif du nombre de suppressions d’emplois de fonctionnaires (le slogan du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux a opportunément disparu …).

Quant à la promesse de limiter la progression de dépenses publiques de 1,8% en volume sur la période, elle se révèle totalement contradictoire avec l’accumulation de dépenses nouvelles incluses dans le projet.

3. Des « dépenses d’avenir » sacrifiées sur l’autel du « moins disant fiscal ».

La présentation du projet de l’UMP est un trompe-l’œil. Selon une méthode bien rôdée et largement appliquée en 2002, le projet UMP emprunte au projet PS plusieurs de ses propositions, parfois au mot près : service civique, formation tout au long de la vie, effort sur la recherche et l’enseignement supérieur, service civique etc.

Mais ces « dépenses d’avenir », éducation, formation, recherche seraient selon toute vraisemblance une nouvelle fois victimes d’un bouclage financier improbable, le projet UMP se révélant très précis et très ambitieux sur l’augmentation des dépenses « régaliennes », le budget de la défense étant une nouvelle fois privilégié.

Si le programme de l’UMP devait être appliqué, les dépenses d’avenir seraient une nouvelle fois sacrifiées sur l’autel du « moins disant fiscal ».

Refusant de tirer les leçons d’une législature qui aura concilié injustice fiscale et inefficacité économique (la baisse de certains impôts n’ayant pas eu les effets sur la croissance par avance claironnés), l’UMP prépare un nouveau « paquet fiscal » de 13 milliards d’euros : suppression des droits de succession (évaluée à 6,3 Mds€), exonération de ISF de la résidence principale (environ 1 Mds€), convergence des taux de l’impôt sur les sociétés vers celui de la moyenne des pays de l’Union européenne (au moins 3 Mds), baisse du taux de TVA sur la restauration à 5,5% (2,5 Mds€) etc.

75 milliards de dépenses supplémentaires, 13 milliards de recettes en moins, voilà les deux termes de l’impossible équation que l’UMP veut proposer aux Français de résoudre, renouant ainsi avec la tradition chiraquienne éprouvée des promesses impossibles à tenir.

Même avec une croissance annuelle moyenne de 2,25%, le projet de l’UMP dans son ensemble n’est pas finançable en l’état. Il creuserait, toutes choses égales par ailleurs, un « trou » de l’ordre de 1,1 point de PIB en 2012 dans les comptes publics (soit environ 24 milliards d’euros [4] ), conduisant à un maintien des déficits à plus de 3.4% sur l’ensemble de la législature, et engendrerait une poursuite de l’aggravation de la dette publique de 8 points supplémentaires, pour atteindre 72% en 2012.

Coût du projet UMP – Principales propositions

Coût total en Mds€

Suppression des droits de succession

6,3

Augmenter l’effort de recherche de 40%

5,2

Revaloriser le minimum vieillesse (future allocation de solidarité aux personnes âgées)

5,2

Augmenter le budget de l’enseignement supérieur de 50% en cinq ans

5,0

Maintenir l’effort de défense au moins à son niveau actuel, développer une force de frappe constituée de missiles de croisière, conserver une force de dissuasion nucléaire autonome, augmenter les moyens de projection de troupes à l’étranger

4,7

Exonérer les heures supplémentaires de charges sociales et fiscales

4,6

Augmenter les moyens de l’aide publique au développement

3,2

Réserve de défense civile ; tutorat entre jeunes issus de quartiers sensibles

3,1

Faire converger le taux de l’impôt sur les sociétés sur celui de la moyenne des pays de l’Union européenne à 15, supprimer l’imposition forfaitaire annuelle, harmoniser l’assiette de l’IS au niveau européen, et réformer la taxe professionnelle

3,0

Société de la deuxième chance (formation continue tout au long de la vie)

2,5

TVA à 5,5% aux restaurateurs

2,5

Exonération fiscale pour le don de son temps, comparable à celle prévue pour les dons en argent.

2,0

Contrat d’autonomie avec l’Etat pour les jeunes de moins de 25 ans, permettant de bénéficier d’un prêt à taux zéro pour financer ses études ou d’une rémunération et d’un accompagnement pour chercher un emploi, remboursable

2,0

Créer l’assurance « salaire et retour à l’emploi : allocations chômage plus élevées, plus protectrices, plus incitatives au retour à l’emploi, dont la durée est adaptée à la situation de chacun devant l’emploi

1,8

Améliorer les retraites des femmes ayant cessé leur activité professionnelle pour éduquer leurs enfants

1,8

Doubler le nombre des places en IUT et licences professionnelles

1,5

Conforter le rôle de première ligne du médecin généraliste à travers l’alignement de leurs honoraires sur ceux des spécialistes

1,5

Multiplier par deux la place du sport à l’école

1,2

Créer un droit opposable à une solution de garde pour chaque jeune enfant

1,2

Instaurer la rémunération au mérite des agents publics

1,0

Soutien aux élèves dans les banlieues défavorisées

0,8

Instituer un tutorat entre les élèves issus de quartiers sensibles ou en situation difficile et des étudiants et jeunes actifs.

0,8

Aider les étudiants à avoir accès au crédit par une caution publique et créer des prêts à taux zéro, remboursables après l’entrée dans la vie active, pour permettre aux étudiants d’être autonomes.

0,8

Créer un congé parental rémunéré permettant à un proche de se consacrer pendant quelques temps à l’accompagnement d’une personne très âgée en fin de vie.

0,8

Permettre aux fonctionnaires qui le souhaitent de travailler plus que 35 heures pour gagner plus, exonérer de charges sociales et fiscales les heures supplémentaires ainsi effectuées comme pour les salariés du secteur privé

0,7

ISF - Pour répondre à la question des cadres moyens et supérieurs qui payent l’ISF alors qu’ils n’ont pas de fortune, explorer la piste de l’exonération de la résidence principale

0,7

Coût des 25 premières mesures

65,0

Coût des autres mesures identifiées

10,0

Coût total brut

75,0

Les principaux engagements du projet de l’UMP, évalués à ce stade, se répartissent comme suit :

1. L’enseignement supérieur et la recherche : 14 milliards, dont :

  • 5 Mds€ au titre de l’augmenter le budget de l’enseignement supérieur de 50% en cinq ans ;
  • 5,2 Mds€ au titre de l’augmentation de l’effort de recherche de 40% (sur un effort total de15 milliards d’euros ;
  • 1,5 Mds€ au titre du doublement du nombre de places en IUT et licences professionnelles (à raison de 160.000 places supplémentaires)

2. La revalorisation du travail et du pouvoir d’achat : 12,6 milliards, dont :

  • 4,6 milliards pour exonérer les heures supplémentaires de charges sociales et fiscales ;
  • 1,8 milliards pour créer, avec les partenaires sociaux, une assurance « salaire et retour à l’emploi »

(Allocations chômage plus élevées, plus protectrices, plus incitatives au retour à l’emploi, dont la durée est adaptée à la situation de chacun devant l’emploi…)

3. Le rétablissement « du lien social » et de « l’égalité des chances » : 11,8 milliards, dont :

  • 3,1 milliards au titre de l’établissement d’un service civique ;
  • 2,5 milliards au titre de la « création d’une société de la deuxième chance » donnant à chacun la possibilité d’entreprendre ou de reprendre des études supérieures pendant sa vie professionnelle ou de changer de métier par une formation adaptée ;
  • 2 milliards pour créer un contrat d’autonomie avec l’Etat pour les jeunes de moins de 25 ans, permettant de bénéficier d’un prêt à taux zéro pour financer ses études ou d’une rémunération et d’un accompagnement pour chercher un emploi.

4. La politique en faveur de la famille et des personnes âgées : environ 10 milliards, dont :

· 5,2 Mds€ au titre de la revalorisation du minimum vieillesse (future allocation de solidarité aux personnes âgées) ;

· 1,8 Mds€ pour améliorer les retraites des femmes ayant cessé leur activité professionnelle pour éduquer leurs enfants ;

· 2 milliards de mesures en faveur des familles (création d’un droit opposable à une solution de garde pour chaque jeune enfant ; amélioration des conditions de prise en charge des personnes dépendante,…).

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