Les Français veulent-ils vraiment travailler après 65 ans ?

Publié le par titof

Une étude de l'institut CSA publiée par Le Parisien/Aujourd'hui en France et reprise par de nombreux médias laisse croire que les Français veulent travailler plus longtemps. A ne pas pendre au pied de la lettre…

« Selon un sondage CSA, 63 % des Français veulent pouvoir travailler après 65 ans », pouvait-on lire dans le dossier de une du Parisien/Aujourd'hui en France daté du mardi 7 août. L'information a aussitôt été largement relayée dans la bulle médiatique, donnant lieu notamment à plusieurs reportages dans les JT du soir. Il faut dire que la nouvelle est d'importance. Alors qu'en 2003, les Français vilipendaient la réforme des retraites et l'allongement de la durée du travail mis en place par le gouvernement Raffarin, en 2007, le sondage tend à démontrer l'inverse : à une large majorité, ils réclameraient de pouvoir travailler plus longtemps. En un mot, ils voudraient travailler plus pour…gagner plus, exactement ce que leur propose qui vous savez ! Une aubaine pour le gouvernement Fillon qui doit justement s'attaquer très prochainement au dossier des retraites.

Stéphane Rozès, qui dirige l'institut CSA (groupe Bolloré), propose trois explications des résultats de ce sondage. La première est d'ordre biologique : à 60 ans, on se sentirait plus en forme et capable de travailler. La seconde raison serait d'ordre culturel, liée à l'amélioration de l'image des « seniors », vus comme des atouts pour l'entreprise. Enfin, Stéphane Rozès avance une raison financière : les personnes qui survivent grâce à de petites pensions aimeraient augmenter leurs revenus, par exemple en travaillant. De prime abord, tout paraît limpide. Sauf que…

Sauf que l'information a peut-être été reprise trop vite, à coups de raccourcis contestables. Car la question posée par CSA à un échantillon représentatif de 1001 personnes, de plus de 18 ans, les 1er et 2 août, était libellée d'une façon très particulière : « Seriez-vous tout à fait favorable, plutôt favorable, plutôt pas favorable ou pas favorable du tout à ce qu'un salarié puisse travailler après 65 ans s'il le souhaite ? », demandaient les sondeurs. Le « s'il le souhaite » est d'importance : qui voudrait interdire à son voisin de travailler après 65 ans s'il le désire ? Cette libéralité ne signifie pas pour autant que l'on souhaite soi-même travailler plus longtemps. Preuve que les personnes sondées ne se sentaient pas forcément concernées par la question posée : certains n'étaient même pas salariés, mais exerçaient en tant que professions libérales !

Conscient de cette distinction, Stéphane Rozès reconnaît lui-même que l'étude réalisée par son institut mériterait d'être approfondie. Trop tard, l'emballement médiatique a déjà eu lieu, car les journalistes n'ont que rarement, eux, le temps « d'approfondir ». On peut d'autant plus le regretter qu'un inventaire rapide des enquêtes réalisées peu avant ce sondage montre que l'âge de la retraite souhaité par une majorité de personnes pour elles-mêmes se situe toujours avant 65 ans. Exemple : le sondage publié en juin dernier par Notre temps, le magazine des seniors. Selon cette étude, 37% des seniors espèrent s'arrêter à 60 ans, et 19% d'entre eux à seulement 55 ans. Ainsi les seniors, premiers concernés par l'âge de la retraite, seraient-ils 56% à espérer ne plus travailler après 60 ans...

Le dossier du Parisien, qui pointe par ailleurs des cas réels de salariés empêchés de travailler, comme les pilotes de compagnie aérienne par exemple, tombe en tout cas à point nommé pour le gouvernement Fillon. Comme le soulignent Les Echos, le retour au premier plan de ce débat devrait permettre de revenir sur l'exonération de charges des indemnités de départ avant 65 ans, qui constitue une perte sèche pour l'Etat et encourage les préretraites, qui ont coûté des dizaines de milliards à la société française et auxquelles plusieurs gouvernements se sont engagés à renoncer sans que cela ne devienne une réalité : aujourd'hui 37% seulement des Français de la tranche d'âge 55-64 ans travaillent (contre 41% dans l'ensemble de l'Union européenne) ! Peut-on éternellement recommander de reculer l'âge de la retraite tout en finançant l'arrêt de tous les salariés, notamment dans les grandes entreprises, dès l'apparition de leurs premières mèches grises ? Et pourra-t-on remettre en cause les régimes spéciaux sans toucher aux retraites-chapeau des super-managers ? Ce sera l'un des suspens attendus de la rentrée sociale.

Source : d’après marianne2007.info

 

Publié dans Vu sur le Web

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