Suspicions de violences à la prison de Sequedin (Lille)

Publié le par titof

A Sequedin (Lille), prison neuve, dotée de cellules individuelles, avec douches, pas de surpopulation, mais des plaintes en pagaille. Voici des extraits de lettres de détenus, nommées "lettre de Sequedingue" :

« Aujourd’hui, ils m’ont fouillé la cellule, et mes cantines alimentaires je les ai retrouvées à terre, ils me prennent pour un chien parce que je suis pas Français. […] Je pète les plombs. Ils m’insultent tous les jours et quand je parle, ils viennent à 7 ou 8 pour frapper plus fort. » (Yacoub)

« Cette prison, il aurait fallu l’appeler Sequedingue. […] On n’a pas le droit de parler ici, sinon, c’est des menaces directes. On subit le racisme. Ils nous font la misère. J’ai déjà été incarcéré, mais pas dans des conditions comme celles-là. Ils poussent les gens au suicide. » (Mohamed).

« Tabassages fréquents, insultes : on est dans un processus d’avilissement permanent. […] Les surveillants s’appliquent à vous rabaisser et vous faire comprendre que vous n’êtes rien ! Et encore, pour moi, le petit blanc, j’ai un traitement dit normal », ce qui n’est pas le cas pour les autres détenus français, mais d’origine diverse auxquels on réserve un traitement spécial ! » (Afar).

« Ils m’ont coupé l’eau pendant 24 heures. Sachant que je ne mangeais pas de porc, ils m’en ont ramené pendant trois jours. Ils nous volent, il manque toujours du linge ou des cantines. » (Le Marseillais).

Ces lettres vont être publiées en ligne.

Des intervenants de l’O.I.P. (Observatoire International des Prisons) vont être suspectés par la police d’être à l’origine des "fuites" des lettres des détenus et interpellés, situation que l’OIP dénoncera dans un article paru dans Libération

L’O.I.P. est dans l’impossibilité d’enquêter sur les faits invoqués par les détenus. Dans un communiqué du 04/09/07, l’O.I.P. apporte les précisions suivantes :

Les interrogatoires à répétition de deux membres de l’OIP par les services de la sûreté urbaine de Lille - aux cours desquels ils ont été questionnés sur leurs relations avec la presse, leurs contacts avec un détenu se déclarant victime d’un dysfonctionnement de l’administration pénitentiaire et l’appartenance d’un intervenant extérieur à l’OIP - témoignent d’une volonté d’intimidation sans précédent et constituent une tentative d’entrave manifeste à l’action menée par l’Observatoire. De telles pressions exercées à l’encontre d’une organisation non gouvernementale dans l’accomplissement de son mandat ont conduit l’OIP à alerter, le 8 août 2007, diverses instances nationales et internationales de protection des droits de l’homme.

Faisant écho à cette démarche, le Médiateur de la République, Jean-Paul DELEVOYE, a interpellé le 10 août le Procureur de Lille, suivi en cela par la Commission nationale consultative des droits de l’homme qui, par la voix de son secrétaire général Michel FORST, a exprimé le 17 août ses inquiétudes auprès du Préfet du Nord. Le même jour, le Commissaire européen aux droits de l’homme, Thomas HAMMARBERG, a réclamé des éclaircissements auprès de la Représentation permanente de la France auprès du Conseil de l’Europe.

Une nouvelle audition policière programmée le 20 août a été annulée sur décision du parquet.

Il appartient aujourd’hui aux autorités françaises d’apporter sans délai une réponse aux diverses demandes d’explication et de clarification qui leur ont été formulées. L’OIP exige d’autre part qu’elles se conforment dorénavant à la Résolution 53-144 de l’Assemblée générale des Nations-Unies, qui prévoit que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres d’offrir et prêter une assistance juridique professionnelle qualifiée ou tout autre conseil et appui pertinents pour la défense des droits de l’Homme et des libertés fondamentales », et que « l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration ». Enfin, l’OIP réitère sa demande faite aux autorités le 6 août qu’une « enquête approfondie et effective, respectant le contradictoire » soit menée sur les allégations de violences et de racisme émises par les détenus, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH, Hénaf c/France, 27 novembre 2003).

Ce type de problèmes sont favorisés par le contexte actuel de sur-occupation des prisons. Le Monde du 05/09/07, note :

Les prisons sont pleines à craquer, au moment où l’application de la nouvelle loi du 10 août sur les peines planchers va encore augmenter le nombre des détenus. Il y avait 64 069 personnes sous écrou le 1er août. Un record qui s’explique par la suppression de la grâce présidentielle du 14-Juillet. Cette grâce, décriée par de nombreux professionnels parce qu’elle ne permettait pas de préparer la sortie des détenus, servait de soupape à l’administration pénitentiaire (AP), permettant de faire de la place, avant les "rentrées" d’automne.

La densité carcérale est de 120 %, c’est-à-dire qu’un détenu sur cinq est en surnombre. La situation devient critique quand un détenu souffre de troubles psychiatriques, comme c’est le cas pour environ un quart de la population incarcérée.

O.I.P.

Publié dans Vu sur le Web

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