Très attendus, Roger Marion et Bernard Bonnet s'égarent à la barre

Publié le par titof

Un ancien patron de la division nationale de l'antiterrorisme (DNAT) aux méthodes policières contestées, un ex-préfet de Corse condamné pour avoir donné l'ordre d'incendier des paillotes, les dérives de l'Etat républicain en direct et en pleine lumière. Le programme était alléchant et la cour d'assises de Paris avait pris, lundi 26 novembre, son air des grands jours avec une foule savourant d'avance la jubilation de pouvoir dire "J'y étais", tandis que quelques personnalités chanceuses munies de laisser-passer se faufilaient aux premières loges. Pour la défense d'Yvan Colonna, l'audience s'annonçait radieuse. Elle fut brumeuse, bavarde, brouillonne.

De ses dépositions lors des précédents procès de l'affaire Erignac, l'ancien policier était sorti défait, haché menu par des avocats de la défense prompts à jouer de son caractère explosif. L'expérience a porté et sans doute aussi les consignes dispensées par son ancien patron, Claude Guéant, qui l'a reçu à l'Elysée dans les jours précédant l'ouverture du procès.

De ce rendez-vous sur lequel il a bien sûr été interrogé par l'un des avocats de la défense, Roger Marion se contentera de dire qu'il a eu lieu "à sa demande, à titre personnel et non institutionnel", en précisant qu'il n'a entendu chez son interlocuteur "rien qui puisse orienter (sa) déposition".

Il y a toujours chez lui cet art consommé de s'approprier les succès d'une enquête et de faire porter ses échecs sur les autres, en l'espèce le SRPJ d'Ajaccio, les Renseignements généraux, les juges antiterroristes et la presse. A eux les retards, les "fuites" venues polluer l'enquête, les tuyaux percés. A lui la part du lion : les aveux passés en garde à vue par certains membres du commando et leurs compagnes. "Les aveux, qui ont été recueillis dans le respect du code de procédure pénale, sont sincères, vérifiés et corroborés, martèle-t-il. Le commando était composé de sept membres. Six sont condamnés et n'ont pas fait appel de leur condamnation et je me réjouis que le septième soit aujourd'hui dans le box", a-t-il ajouté.

Quand vient leur tour de l'interroger, les avocats de la défense se lèvent avec confiance. Dans leur musette, les dénonciations répétées devant la cour par plusieurs témoins des pressions en garde à vue, les errements de la piste agricole et ses centaines d'interpellations, les acquittements en appel de Jean Castela et Vincent Andriuzzi, qui avaient été présentés comme les commanditaires de l'assassinat du préfet, et surtout l'intérêt tardif accordé à Yvan Colonna.

Mais, plus ils le piquent, plus il glisse et leur échappe. Leurs questions y perdent en pertinence et ses réponses en intérêt. A tel point que le président Dominique Coujard intervient : "On tourne en rond. Nous sommes là pour savoir si Yvan Colonna est, ou non, l'auteur de l'assassinat du préfet." Roger Marion renchérit et ironise sur ces questions "qui n'en finissent pas de se répéter. Au fond, ce sont les mêmes qu'en interrogatoire..."

AUTOPROMOTION

Les bancs du public se sont un peu éclaircis et la famille de Claude Erignac a quitté le sien lorsque, en début de soirée, "Bernard Bonnet, préfet à la retraite", s'approche de la barre. Il a patienté près de six heures dans la salle des témoins, mais, dit-il, "cela fait neuf ans qu'(il) attend ce moment". Sa voix tremble un peu dans le micro, mais elle se raffermit vite pour revendiquer la part qu'il estime avoir prise dans le succès de l'enquête. "Il existe une rumeur tenace selon laquelle j'aurais conduit une enquête parallèle. Cette fable, je ne veux pas seulement la nier, je veux la désarticuler", lance-t-il, avant d'évoquer les informations anonymes dont il a été le destinataire et qui ont selon lui permis de "sortir de l'impasse de la piste agricole" pour s'orienter vers celle d'une dissidence nationaliste. Là encore, on s'égare dans l'autopromotion.

Quant aux "doutes sur la culpabilité d'Yvan Colonna" que l'ancien préfet de Corse a exprimés au micro de France Info il y a quelques jours, ils ont été mal compris, assure-t-il. "Je n'aurais pas dû employer ce mot de doute. Je voulais parler de mon questionnement sur Yvan Colonna."

Chacun écarquille les yeux. Il nuance encore : "En 1998, pas en novembre 2007." "Il vaut mieux en effet le préciser", s'agace le président.

Publié dans Actualité Judiciaire

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article