La Halde va publier les résultats d'un grand "testing" sujet à controverse
LE MONDE
Assumant son rôle de "poil à gratter" de la société française, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) doit rendre publics, mardi 10 juin, les résultats d'un grand "testing" anti-discrimination réalisé auprès d'une vingtaine de grandes entreprises.
Décidée à frapper un grand coup, la Halde confiait au deuxième semestre 2007 à l'Observatoire des discriminations une enquête d'envergure : envoyer, en réponse à de vraies offres d'emploi, plusieurs centaines de couples de faux curriculum vitae comparables, c'est-à-dire à compétences égales, mais avec des différences d'âge ou de patronyme. L'objectif : détecter les discriminations à l'embauche.
Initialement, la Halde devait présenter cette grande enquête en février. Mais devant la vague de contestations soulevée par les premiers résultats communiqués avant publication aux entreprises testées, elle a dû y renoncer. Et pour cause, la validité de l'enquête était en cause, la démarche même suscitant de fortes critiques.
Les entreprises incriminées détectèrent dans les résultats provisoires d'importantes failles dans la méthodologie : "les CV étaient mal rédigés, ne correspondaient pas aux offres d'emploi, des numéros de téléphones étaient erronés...", explique un responsable d'une des entreprises concernées.
Mais décidée à aller jusqu'au bout et à publier des résultats "solides, publics et nominatifs", la Halde a demandé à l'Observatoire des discriminations de revoir sa copie.
Le directeur de l'observatoire de discriminations, Jean-François Amadieu admet que des erreurs ont pu être commises dans la première phase de l'enquête. Il assure qu'aujourd'hui un accord a été trouvé avec chaque entreprise "sur ce qui a été envoyé, reçu, répondu". Ce préalable est indispensable, insiste-t-il.
"APPROCHE CONTRADICTOIRE"
Reste l'analyse des résultats. Or, au-delà des simples questions méthodologiques, l'enjeu d'une telle enquête n'est pas mince pour les entreprises testées, dont plusieurs sont des stars du CAC 40 : nommément désignées, il en va de leur image.
"La Halde a toujours très clairement indiqué qu'elle se situait dans une approche contradictoire", souligne M. Amadieu qui ne cache pas qu'aujourd'hui encore quatre entreprises incriminées continuent à vivement discuter les conclusions de la Halde.
Cette dernière n'a eu de cesse de souligner que son enquête n'avait pas pour vocation de déclencher des poursuites. Il s'agit, insiste-t-elle, de révéler des discriminations là où elles existent, pour encourager à y mettre fin. Pour la Halde aussi, l'enjeu est important : un échec, faute de fiabilité, de ce grand testing risquerait, en donnant du grain à moudre aux détracteurs de ses méthodes, de l'affaiblir dans son combat pour l'égalité.
Laetitia Van Eeckhout