Nicolas Sarkozy, la génétique, l’eugénisme et la pédophilie : retours sur une tactique politique

Publié le par JACOBS Christophe

Nicolas Sarkozy a réitéré hier soir ses propos sur la pédophilie, le cancer et le suicide, qu’il pense être déterminés par le patrimpoine génétique.

Ces "opinions" ne devraient pas indiquer autre chose que l’inculture crasse de celui qui les tient, tant il est vrai que la question a maintes et maintes fois été débattue et que toute personne un tant soit peu cultivée en mesure l’inanité (voir par exemple les réponses des scientifiques ici).

Pour toute personne disposant d’une culture scientifique de niveau baccalauréat environ, cette assertion est absurde et infondée... Pour toute personne disposant d’une culture historique de niveau baccalauréat, cette assertion est du niveau de la pensée pré-nazie d’un Alexis Carrel, par exemple.

Or, Monsieur Sarkozy a beau être lui-même relativement inculte (se vouer corps et âme à la conquête du pouvoir depuis son plus jeune âge ne laisse pas beaucoup de loisirs), il n’en a pas moins de nombreux conseillers et ne peut pas ignorer le manque de fondement scientifique des opinions qu’il émet.

Donc, si, à douze jours des élections présidentiellesle candidat promu par les sondeurs (amis) dans les journaux (amis) comme archi-favori maintient et enfonce des analyses personnelles qui lui feraient rater le baccalauréat, c’est qu’il estime qu’elles seront électoralement payantes.

C’est politiquement qu’il faut lire Sarkozy.

Que nous dit-il ?

Il nous parle d’abord d’une conception du monde qui affleure à chacun de ses propos, où le psychologique et le social se réduisent au biologique. Il n’y a pas de domination sociale ou de culture, il y a des forts et des faibles, des "malades" qu’il faut soigner ou, dans le cas de la pédophilie, enfermer, des races (chinoise) des ethnies (chiites et sunnites), des liens de sang, du déterminisme à tous les étages et l’homme fort (lui) qui va remettre de l’ordre dans tout cela.

Il nous parle de sa sympathie pour les néoconservateurs américains, ceux qui ont lancé la guerre d’Irak et rêvent de la guerre d’Iran, ceux dont Monsieur Besson, avant qu’on ne l’achète, pensait qu’ils étaient la source première et ultime de la pensée sarkozyste.

Il nous parle de son mépris pour le savoir, la psychologie, la sociologie, mépris qu’il confessa à Michel Onfray en déclarant que la phrase la plus incompréhensible de la philosophie était, pour lui, le "connais-toi toi même" socratique.

Et puis il ne fait pas que cela. Il tend un piège politique à la gauche. Sarkozy, ses sbires et ses médias sont en embuscades, rêvant de trouver la faille dans laquelle ils pourront s’engouffrer pour agiter le spectre de la gauche laxiste, permissive, tolérante envers les délinquants. Vieille lune agitée sans cesse par les amis des fraudeurs fiscaux, des adeptes du délit d’initié, de la prise illégale d’intérêt et de la corruption passive ou active, mais qui marche auprès des étourdis et de tous ceux qui ne suivent pas trop les débats. Il espère que quelqu’un va dire "mais non, c’est la société qui les rend malade" et qu’il pourra accuser les socialistes de vouloir ouvrir les prisons.

Et puis il choisit sa clientèle électorale : quel soulagement pour des parents ayant vécu le drame le plus absolue que de les absoudre d’un mot (quand bien même personne ne les accuse !), quel soulagement pour les fumeurs atteints de cancer que de s’exonérer de cette terrible responsabilité.

Alors comme nous avons un poil de culture, comme nous savons ausso ce que pensent les amis de M. Sarkozy, comme nous savons lire une tactique politique, nous voudrions ici en dire un poil plus long. Car aux Etats-Unis (vous savez, ce pays auquel la France arrogante a parfois résisté), les néoconservateurs ne pensent pas tellement aux pédophiles, aux cancers ou aux suicides quand ils parlent de déterminisme génétique : ils pensent aux délinquants, aux homosexuels, au quotient intellectuel et à toutes sortes de "déviants" (à leurs yeux) qu’il faut cloisonner, enfermer, écarter puisqu’ils sont décidément incurables.

Raphaël Anglade

Publié dans Vu sur le Web

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