Assurance-maladie : le legs de Xavier Bertrand

Publié le par JACOBS Christophe

Dans une interview dans le Quotidien du Médecin du 26 mars, Xavier Bertrand fait son propre panégyrique. Il a quand même un regret : l’absence de passage de la consultation chez le généraliste à 23 euros avant la fin 2007.

Mais, M. Bertrand, porte-parole du candidat Nicolas Sarkozy, émet quelques contrevérités, omet quelques vérités, lance une promesse hasardeuse et oublie les projets de son candidat.

« Nous avons réussi à sauvegarder notre système de protection sociale.[…] quand nous sommes arrivés avec P. Douste-Blazy, le système était au bord de la faillite ».

Première omission : X. Bertrand oublie de préciser que c’est le gouvernement Raffarin, de droite qui a provoqué la « quasi-faillite » de l’assurance maladie.

Xavier Bertrand est devenu secrétaire d’Etat à l’assurance maladie le 31 mars 2004. P. Douste-Blazy devient ministre de la santé et de la protection sociale, en remplacement de F. Fillon, ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité depuis mai 2002.

Voici l’évolution des déficits de l’assurance-maladie de 2000 à 2003 :

 

2000

2001

2002

2003

- 1,6

- 2,1

- 6,1

- 11,1

en milliards d’euros

 

1)      C’est augmentation drastique du déficit de l’assurance maladie et de la sécurité sociale en général est la conséquence de l’action principale du gouvernement :

2)      une politique économique qui casse la croissance, augmente le chômage (de 2,396 millions en 2002 à 2,734 millions en 2004)

3)      une politique de l’emploi qui accroît les exonérations de cotisations sociales (qui dépassent 20 milliards d’euros en 2004) sans les prendre en charge totalement sur le budget de l’Etat (reste à charge pour la sécurité sociale en 2004 : 2,1 milliards d’euros)
des décisions dans le domaine de la santé : augmentation de la visite chez le généraliste de plus de 8 % dès 2002.

4)      Début 2004, effectivement, l’assurance-maladie est exsangue, mais contrairement à ce qu’affirme Xavier Bertrand, cette situation ne fait qu’empirer en 2004 : le déficit atteint 11,6 milliards d’euros.

« Nous avons réussi à ramener le système à l’équilibre sans le casser »

Première contrevérité : le système est loin d’être à l’équilibre. Le déficit de l’assurance maladie, annoncé triomphalement par Xavier Bertrand le 18 mars, s’élève encore en 2006 à 5,9 milliards d’euros. Belle victoire !

Deuxième omission : L’essentiel des efforts a porté sur les patients et les assurés.

Forfait un euro, augmentation de la CSG (1 milliard de prélèvement supplémentaire par an), augmentation du forfait hospitalier (de 13 euros en 2004 à 17 euros en 2007) : l’assurance-maladie coûte plus cher aux patients et lui rembourse moins qu’avant.

Surtout, la création du « parcours de soins coordonnés » a accentué les inégalités du système de santé. En permettant aux médecins du secteur 1 de facturer plus cher une consultation hors coordination de soins, ceux-ci sont incités à privilégier les patients qui les consultent directement (et qui ont les moyens de payer 5 euros non remboursés) au détriment des patients qui respectent le parcours de soins.

Le système n’est pas encore cassé, mais il est déjà bien abîmé par la politique de F. Fillon, P. Douste-Blazy et X. Bertrand.

Troisième omission : X. Bertrand « oublie » une autre création de la loi assurance maladie d’août 2004 : le comité d’alerte. Le comité d’alerte, composé du secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale du directeur générale de l’INSEE et d’une personne qualifiée.

NB : la « personne qualifiée » est M. Didier, directeur général de Rexecode, le centre d’analyse et de prévisions macroéconomiques proche du Medef.

Le comité d’alerte doit rendre un avis sur le respect de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) voté par le Parlement. Au 1er juin au plus tard, il notifie aux caisses d’assurance maladie un « risque sérieux que les dépenses d’assurance maladie dépassent l’ONDAM » de plus de 0,75 %.

Cette année, au vu des dérapages actuels, il a déjà prévu de se réunir vers la fin mars pour étudier dans le détail la situation des comptes.

Or, « Cela fait deux ans que j’entends dire que [..] les dépenses vont repartir à la hausse. Résultat : chaque année, les dépenses ont été modérées. […] on a toujours obtenu des résultats meilleurs que ce qui avait été annoncé »

Deuxième contrevérité : L’ensemble des plans de maîtrise des dépenses présente la caractéristique d’avoir des effets de courte durée sur le profil des dépenses. Il en va ainsi du plan Bérégovoy de juillet-septembre 1982 et de mars 1983, du plan Séguin de novembre 1986, du plan Bianco de juillet 1991, du plan Veil d’août 1993 ou encore du plan Juppé de novembre 1995.

M. Bertrand prétend que la loi assurance maladie (2004) a un effet pérenne sur les dépenses de santé. C’est sûrement grâce à cette loi que les dépenses de soins de ville progressent de 6,8 % et celles des produits de santé de 4,3 % en février 2007 par rapport à février 2006. Pour janvier 2007, bizarrement, les chiffres ne sont pas publiés. Seule une mention dans le communiqué de la Cnamts nous apprend qu’en février 2007, « la croissance des remboursements est un peu moins élevée qu’en janvier 2007 : honoraires de généralistes (+ 9,8 % en février, + 11,4 % en janvier), médicaments (+3,3 % en février, + 4% en janvier) ».

En septembre 2006, le dépassement attendu en 2006 par rapport à l’objectif de dépenses d’assurance maladie voté par le Parlement était de 740 millions d’euros. Il devrait finalement être compris entre 1,1 et 1,3 milliard d’euros. Or, ce dérapage est lié à une accélération des dépenses en fin d’année.

Donc, depuis fin 2006 (quatre à six moins maintenant), les dépenses de santé sont reparties à la (forte) hausse.

La loi assurance maladie, mise en œuvre à partir du 1er janvier 2005, a fait son effet de courte durée, comme tous les « plans » et autres réformes qui l’ont précédée.

Troisième contrevérité : Depuis 2004, les dépenses d’assurance maladie ont toujours dépassé l’objectif voté par le Parlement dans la loi de financement de la sécurité sociale (dit ONDAM).

1)      En 2003, les dépenses d’assurance maladie dépassent l’ONDAM de 1,1 milliards d’euros.

2)      En 2004, l’écart avec l’ONDAM représente 500 millions d’euros.

3)      En 2005, le dépassement s’élève à 180 millions d’euros.

Les résultats ont donc été toujours pires qu’annoncés et l’année 2006 a vu l’écart à nouveau se creuser fortement (1,1 à 1,3 milliard d’euros).

En l’état actuel des informations diffuser, nous savons que le comité d’alerte a toutes les raisons de notifier aux caisses d’assurance maladie un « risque sérieux que les dépenses d’assurance maladie dépassent l’ONDAM » de plus de 0,75 %au 1er juin 2007 au plus tard… mais pas avant, et donc vraisemblablement pas avant l’élection présidentielle. Après cette notification, les caisses d’assurance maladie devront proposer « des mesures de redressement », doux euphémisme pour désigner des baisses de taux de remboursement ou des taux de remboursement.

En clair, si le dérapage est trop élevé début 2007, ce sont les patients qui vont payer.

« J’aurais aimé clairement que le C [la consultation des généralistes] soit à 23 euros avant la fin de l’année 2007 »

Promesse électorale : Votez pour nous et votre revenu augmentera à nouveau.

Le financement ne pose pas de problème : il sera assuré par une charge plus élevée pour les patients. Le mécanisme de « Comité d’alerte » fonctionnera et de nouvelles diminutions de remboursement seront mises en œuvre

Enfin, un oubli : X. Bertrand oublie les propositions de N. Sarkozy pour l’assurance maladie. Car le candidat a trouvé « la » solution : déconnecter les dépenses d’assurance maladie des dépenses de santé. En fait, ce n’est pas une nouveauté : c’est la proposition des libéraux et du Medef depuis plusieurs années.

N. Sarkozy veut instaurer un système de « franchise » : un montant annuel de dépenses de santé qui ne serait pas remboursé par l’assurance maladie. Son montant varie selon les annonces (cf. article de M. Yahiel du 21 mars : Remboursement des soins : la franchise pas si nette de N. Sarkozy). En fait, elle varie tout simplement pour combler le déficit de l’assurance maladie : « Si l’assurance-maladie est en déséquilibre, on augmente la franchise. »

« La » solution est très simple : l‘Etat ne fait rien sur l’évolution des dépenses de santé, mais contrôle et réduit le remboursement de ces dépenses. Il maîtrise donc les dépenses de l’assurance maladie, celles qui font l’objet de la solidarité nationale.

Les dépenses de santé peuvent alors croître sans problème : augmentation des honoraires des médecins, libéralisation des ces honoraires via le « secteur optionnel », dépenses en médicaments (profits des entreprises pharmaceutiques).

Le reste (les dépenses de santé non remboursées) ?

Et bien, le désengagement de l’assurance maladie est attendu avec un appétit non dissimulé par la fédération française des assurances. G. de la Martinière l’a dit dans les Echos du 22 mars 2007 : « En matière d’assurance-maladie, de retraite ou de dépendance, nous avons la conviction qu’il va falloir renoncer à l’idée selon laquelle le dispositif social étatique doit pourvoir aux besoins de tout le monde. » Un si beau marché (Vendre des assurances complémentaires de plus en plus nécessaires et donc de plus en plus chers), il y a effectivement de quoi saliver….

Oui, X. Bertrand semble avoir oublié « un détail » dans son legs.

Photine

Publié dans Vu sur le Web

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J
Malheureusement la liste est trop longue et on aurait pas assez de la campagne pour tout direAmicalement
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J
Malheureusement la liste est trop longue et on aurait pas assez de la campagne pour tout direAmicalement
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A
tu as oubliés les médicaments déremboursés pour un soit-disant manque d'efficacité... quand tu entends au journal qu'un médicament déremboursé une année peut repasser remboursable l'année d'après on peut se poser des questions<br /> tous plus catastrophiques les uns que les autres dans ce gouvernement... un bon coup de pied au c.. en mai ça sera toujours ça de gagner
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