Analyse critique du programme UMP - 1

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Les propositions de l’UMP, adoptées à l’occasion, d’un débat vif, qui veulent mêler les thèmes empruntés à différentes logiques politiques, avec même des emprunts à notre propre projet, approfondissent, en fait, la politique libérale mise en œuvre depuis maintenant 5 ans.

Cette logique libérale au plan économique et social ne s’exprime pas de manière ouverte, elle se dissimule derrière la formule du libre « choix » individuel, ou de l’hymne récurrent au « mérite » individuel, présenté comme clé de toutes les réussites, et la réponse à toutes les frustrations.

Ainsi, le projet de l’UMP ne s’attaque pas directement à la retraite à 60 ans, ni au système par répartition, mais propose la possibilité de partir en retraite selon un libre choix individuel fictif. De la même manière, ce projet ne prévoit pas l’abrogation de la durée légale hebdomadaire du travail à 35 heures mais la possibilité pour chacun de travailler plus pour gagner plus. Nous sommes dans une attitude de contournement. Ainsi, au mépris de la réalité, le salarié et le futur retraité échapperaient à toute organisation sociale collective, à tout lien de subordination vis à vis de l’employeur pour devenir des usagers/particuliers, placés devant des choix libres et en apesanteur sociale ! Sur le plan de l’éducation, le projet UMP se réclame largement de l’autonomie et là encore du libre choix des parents, pour justifier par exemple, non la réforme, mais la fin de la carte scolaire. Le service public, quant à lui, est plébiscité, mais avec toujours moins de moyens, moins de personnels, et dans un périmètre sans cesse plus contesté par une société de marché, présentée comme celle du libre choix.

La notion de libre choix renvoie à une démarche individualiste, récusant finalement l’implication collective, niant les rapports de force entre les groupes sociaux qui font une bonne part de la vie sociale.

La rhétorique utilisée se fonde également sur le principe du mérite. L’UMP se garde bien d’en définir les contours, les critères, de préciser qui en fixe les règles et comment. Ce discours vise concrètement là encore à nier toutes les logiques de solidarité, et les mécanismes collectifs. Chacun, selon ce discours, est seul responsable de ses échecs et de ses réussites.

Pour l’UMP, il faut rompre avec l’égalitarisme dans une société où pourtant les inégalités croissent visiblement, en termes de répartition de pouvoir, de revenus et de concentration de patrimoine. Cette mise en cause permet de justifier un certain nombre de mesures franchement injustes et connotées idéologiquement et socialement : nouvelle diminution de l’impôt sur le revenu, altération profonde des droits de succession, facilitation de transmissions de patrimoine défiscalisation des emplois familiaux de l’impôt sur le revenu, érosion de l’ISF, contrariant ainsi concrètement toute référence formelle à l’égalité des chances, et forgeant les traits d’une société de rentiers. L’hymne au travail, brandi comme un étendard, ne parvient pas à dissimuler une faiblesse concrète pour la rente, et les situations acquises,.

Nous touchons là à l’un des principaux ressorts de la démarche de l’UMP. Celle-ci ne prend pas en compte concrètement ce qu’elle dit parfois dans son discours, la dégradation de la situation sociale de notre société, l’extension de la précarité, le recul préoccupant du droit à la santé pour tous, le retour de la grande pauvreté, la réalité des travailleurs pauvres, une certaine forme de dislocation de notre société. L’acceptation revendiquée d’une société cloisonnée fait craindre une dilution de tous les ressorts d’une volonté de vivre ensemble, de se projeter collectivement dans l’avenir. La « France d’après », proposée par l’UMP n’a pas d’avenir en commun ; le modèle préconisé ne repose plus sur les solidarités mais sur le cloisonnement de fait, laissant miroiter à quelques individus « résistants » une perspective d’ascension sociale.

L’hymne au « travail » masque la volonté d’altérer encore davantage le droit du travail et le droit des salariés à travers l’instauration d’un contrat unique qui se rapprocherait davantage du CNE que du CDI. Il s’agit là de donner satisfaction à une revendication récurrente du MEDEF qui aurait de surcroît pour conséquence d’altérer la négociation sociale déjà bien affaiblie, dans l’immense majorité des entreprises.

Il permet également d’attaquer obliquement les 35 heures alors que le résultat principal de la politique menée par l’UMP depuis près de 5 ans conduit à la réduction de fait de la durée du travail à travers le développement des temps partiels subis, de l’intérim, des CDD. L’hymne au travail néglige en réalité tous les éléments d’une reconnaissance du monde du travail.

 

Les mesures de type volontariste qui parsèment ici ou là le texte (taxe sur les produits venant des pays pollueurs, part des marchés publics réservés aux PME, droits opposables pour la garde d’enfants et l’accès des handicapés aux services publics, allègements de charges limitées pour les entreprises qui malgré de bons résultats n’augmentent pas les salaires) sont isolées dans des chapitres qui relèvent d’une logique d’ensemble libérale et manquent souvent de précisions et de tout calendrier, sans parler du financement. Les manques du projet de l’UMP concernant la politique économique dans son ensemble et la politique industrielle sont également parlant. Il n’y a pas de « rupture » plus nette avec le gaullisme !

L’UMP se ménage également à travers ses propositions, des rapprochements potentiels avec l’extrême droite et ses thèmes traditionnels ; d’une part, au niveau des principes : référence explicite à la tendance au déclin du pays-quelle contestation du bilan de la législature en cours !-, utilisation de toutes les peurs, économiques, sociales, sécuritaires, pour suggérer la défiance et le repli, démarche de culpabilisation implicite des exclus et des défavorisés ; d’autre part, même dans les mesures concrètes, avec, par exemple, l’exonération de la résidence principale du calcul de l’ISF, le libre choix pour la retraite, la diminution de l’impôt sur le revenu et du nombre d’agents publics, l’instauration d’une franchise annuelle sur la consommation de soins pour tous les assurés sociaux.

Le pauvre est par excellence suspecté plus ou moins implicitement de tricher avec les revenus de solidarité ou d’assistance ; il est toujours responsable de sa situation faute de volonté ou de mérite personnel. Le même traitement s’applique pour les immigrés.

Enfin, le discours institutionnel mis en exergue par l’UMP apparaît être surtout un positionnement tactique permettant de provoquer le Président de la République et de conforter un espace public à bon compte au détriment des chiraquiens. Les modernisations proposées de notre fonctionnement politique ne touchent pas à l’essentiel. Elles ont tendance à conforter une logique présidentialiste très éloignée des évolutions attendues par une démocratie qui pourtant ne connaît plus les mêmes aspirations qu’à la fin des années 50. Elles sont en outre dépourvues de toute analyse critique de fond, de la crise de la représentation politique et des pratiques politiques actuelles, alors que les pratiques du RPR hier, de l’UMP aujourd’hui ont largement contribué à la crise politique, et au développement d’un sentiment de suspicion vis à vis de la représentation politique.

Ce programme de l’UMP s’inspire largement du discours « de la réforme » cher à Edouard Balladur. Il ne propose pas de réelle « rupture » sinon tactique avec Jacques Chirac, et surtout avec les socialistes…., mais la poursuite, sans équivoque, d’une politique à dominante libérale, et qui aurait sans doute pour condition de mise en œuvre une pratique autoritaire. Ce projet reste, en effet, très silencieux sur tous les nouvelles conquêtes démocratiques à accomplir, sur tous les nouveaux espaces de libertés collectives à construire. En outre la démocratie sociale demeure totalement absente des préoccupations de l’UMP, qui préfère avancer, souvent masquée mais toujours efficacement, sur le terrain de la précarisation. Visiblement, le citoyen, dans la vie politique comme dans la vie sociale, n’est pas au cœur de la démarche d’une formation politique, qui marque, sur ce point clef, ainsi, sa fidélité à ses devancières, l’UNR, l’UDR, puis le RPR.

Note personnelle
Vous retrouverez pendant les 8 prochains jours l’analyse critique du programme de l’UMP, à raison de trois thèmes par jour et cela à partir de demain samedi. N’hésitez pas à laissez vos commentaires, ils sont utiles et constructifs pour faire avancer le débat. J’y répondrais, peut-être avec du décalage, mais j’y répondrais quand même. Je vous prie de m’en excuser par avance. Merci

Publié dans Données et arguments

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